Des chercheurs créent une IA qui interprète les illusions d’optique comme le cerveau humain

illusion d'optique vase de rubin
Le vase de Rubin. Crédits : Martin Janecek/istock

Les illusions d’optique fascinent depuis longtemps, car elles trompent nos yeux et notre cerveau, ce qui nous pousse à interpréter une image de plusieurs façons différentes. Aujourd’hui, des chercheurs ont réussi à concevoir une intelligence artificielle (IA) capable de reproduire cette particularité humaine en interprétant des illusions d’optique comme le cube de Necker ou le vase de Rubin. Cette avancée pourrait ouvrir la voie à des applications novatrices dans la sécurité aérienne, l’exploration spatiale et même la médecine.

Comprendre les illusions d’optique : un défi pour les machines

Les illusions d’optique jouent sur des images ambiguës qui semblent se transformer au fur et à mesure que nous les observons. Par exemple, le vase de Rubin peut être perçu soit comme un vase, soit comme deux visages qui se font face. Notre cerveau bascule alors entre ces interprétations, une capacité qui relève d’un processus mental complexe.

Pourtant, cette interprétation visuelle reste un défi pour les machines. La plupart des systèmes de vision par ordinateur ne sont en effet pas conçus pour reconnaître de telles ambigüités, car ils fonctionnent par reconnaissance de motifs fixes. Ils analysent l’image en se concentrant sur des détails visuels bien définis, mais n’ont pas la souplesse cognitive de basculer entre plusieurs interprétations possibles comme le cerveau humain.

Cette limitation a motivé les chercheurs à concevoir une IA qui pourrait non seulement observer ces images mais aussi les interpréter d’une manière plus proche de notre cerveau.

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Le cube de Necker : un dessin de cube en fil de fer sans indication de perspective. Le carré le plus à gauche est-il devant ou derrière ? Crédits : BenFrantzDale/Wikipedia

Comment fonctionne cette IA inspirée de la mécanique quantique ?

Pour que l’IA puisse interpréter les illusions d’optique, les chercheurs se sont tournés vers les principes de la mécanique quantique, une science qui décrit le comportement des particules au niveau subatomique. En physique quantique, il existe un phénomène appelé effet tunnel quantique : il permet à des particules comme les électrons de traverser une barrière impossible pour elles en théorie classique grâce à leur nature ondulatoire. Ce phénomène a inspiré les scientifiques pour simuler un processus de perception flexible chez l’IA.

Le système, surnommé réseau neuronal profond à effet tunnel quantique, est un type d’algorithme d’apprentissage automatique. En pratique, il s’agit d’un réseau neuronal profond, une structure informatique qui imite la façon dont les neurones humains sont organisés. Il est composé de plusieurs couches de nœuds, chaque couche effectuant un traitement spécifique. Néanmoins, l’innovation repose sur l’étape de tunnel quantique où l’IA introduit de petites perturbations dans l’image : à chaque passage, l’image est légèrement modifiée comme si elle traversait une barrière. Cela donne au réseau une série de versions différentes de l’image de départ, ce qui lui permet de faire des interprétations variées.

Grâce à cette méthode, l’IA peut « voir » l’image selon différentes perspectives et basculer entre les interprétations possibles, ce qui imite ainsi notre propre façon de percevoir les illusions d’optique.

Applications prometteuses : de la sécurité aérienne à la détection de troubles cognitifs

La capacité de cette IA à interpréter des illusions d’optique pourrait bien marquer une étape importante dans la quête d’une intelligence artificielle plus « humaine ». En effet, les systèmes actuels sont souvent limités à des tâches linéaires et prédéfinies, tandis que cette nouvelle IA s’aventure dans le domaine de la perception ambivalente, une compétence généralement associée à la cognition humaine.

Les chercheurs espèrent que cette innovation permettra à terme de franchir de nouvelles étapes vers la conception de systèmes capables de comprendre non seulement des images mais aussi des environnements ambigus. Cette technologie pourrait jouer un rôle important dans le développement de robots ou d’assistants virtuels plus performants, capables de prendre des décisions dans des situations complexes et de mieux interagir avec leur environnement.

En matière de sécurité aérienne des illusions d’optique peuvent par exemple provoquer des erreurs d’interprétation potentiellement dangereuses pour les pilotes, surtout dans des conditions de stress ou de fatigue. En fournissant un système capable de mieux interpréter les environnements visuels complexes, cette technologie pourrait les aider à prendre des décisions plus sûres.

Cette IA pourrait également s’avérer précieuse pour les astronautes. Lors de missions longues et éprouvantes, les illusions d’optique ou les erreurs de perception peuvent en effet conduire à des interprétations erronées des instruments de bord. Un système d’aide basé sur cette technologie pourrait toutefois renforcer la précision et la sécurité dans ces conditions extrêmes.

En médecine, cette IA pourrait enfin être utilisée pour détecter les signes précoces de troubles cognitifs. Les personnes atteintes de démence ou d’autres troubles cognitifs ont effectivement souvent des difficultés à interpréter les illusions d’optique ou à basculer entre les différentes perceptions. Une IA formée pour reconnaître des réponses atypiques à ces illusions pourrait ainsi devenir un outil de diagnostic précieux.