Des hydrates de méthane ‘déstabilisés’ lors du précédent interglaciaire

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Hydrates de méthane en train de dégazer sur la marge continentale de Virginie. Crédits : Domaine Public.

Une étude dirigée par l’Université de Californie à Santa Barbara (États-Unis) a identifié un mécanisme d’amplification climatique impliquant les hydrates de méthane lors du précédent interglaciaire. Ces résultats publiés dans la revue PNAS ce 22 août invitent à reconsidérer les impacts potentiels du réchauffement contemporain sur ces formations.

Le précédent interglaciaire remonte à l’Éémien, il y a environ 125 000 ans. La température moyenne de la Terre était alors 1 °C à 1,5 °C plus élevée que l’actuelle, ce qui en fait un analogue raisonnable au réchauffement attendu au cours des prochaines décennies. Or, des chercheurs ont récemment découvert que le niveau de chaleur relativement modéré du début de l’Éémien a suffi à déclencher un processus d’amplification du réchauffement jusqu’alors sous-évalué.

Du lien entre calotte polaire, circulation océanique et hydrates de méthane

Le processus en question tient au dégel partiel des hydrates (ou clathrates) de méthane situés sur les talus continentaux qui bordent l’Atlantique équatorial. En somme, ces marges océaniques ont commencé à dégazer d’importantes quantités de méthane, un puissant gaz à effet de serre, et de dioxyde de carbone vers l’atmosphère, augmentant encore un peu plus la température globale. Mais pourquoi une telle déstabilisation ? Selon les chercheurs, la réponse se trouve dans la fonte accélérée de la calotte groenlandaise.

En effet, en amenant une quantité massive d’eau douce dans l’Atlantique Nord, la fonte a perturbé de façon temporaire la circulation océanique nord-atlantique, et donc le transport des eaux chaudes de surface vers le nord et des eaux froides plus profondes vers le sud. « L’eau de fonte a affaibli la circulation océanique et les eaux situées à une profondeur intermédiaire se sont considérablement réchauffées, entraînant une déstabilisation des hydrates de méthane », relate Syee Weldeab, auteur principal de l’étude.

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Hydrate de méthane trouvé dans un carottage sédimentaire en Oregon. Crédits : Wikimedia Commons.

Un analogue potentiel au réchauffement actuel

L’élévation de températures des eaux qui a suivi l’affaiblissement de la circulation océanique nord-atlantique il y a 126 000 à 125 000 ans est évaluée à près de 7 °C. « Nous montrons un réchauffement de l’eau jusqu’ici non documenté et remarquablement important à des profondeurs intermédiaires », note le chercheur. Or, cette hausse est largement suffisante pour faire sortir les hydrates de méthane de leur zone de stabilité marquée par de faibles températures et une forte pression.

Pour relier le réchauffement et le dégazage de méthane, les scientifiques ont passé à la loupe les petites coquilles de foraminifères contenues dans des sédiments marins prélevés dans le Golfe de Guinée. Le rapport entre les différents isotopes du carbone a permis de mettre en évidence une libération de méthane et son oxydation partielle dans la colonne d’eau il y a environ 126 000 ans. Plus précisément, les chercheurs ont identifié une chute concomitante du delta carbone-13.

« Cette étude documente et relie une séquence d’événements et de processus de rétroaction climatiques associés et déclenchés par l’avant-dernier réchauffement climatique qui peut servir de paléoanalogue au réchauffement moderne en cours », souligne l’étude dans son résumé.