Il y a cinq ans, la Norvège a reçu un visiteur inattendu. À partir d’avril 2019, les habitants des îles d’Ingøya et de Rolvsøya ont en effet rapporté des rencontres avec un béluga mâle apparemment apprivoisé et amical qui aimait jouer à rapporter des objets, recevoir des caresses et manger des friandises.
Comme si la situation n’était déjà pas vraiment étrange, le cétacé est arrivé dans les eaux norvégiennes équipé d’un harnais avec une caméra, le tout estampillé « Equipment of St. Petersburg » en anglais. Il n’en fallait pas plus pour que la presse mondiale en parle, imaginant au passage des histoires d’espionnage plus rocambolesques les unes que les autres, mais qu’elle est la vraie histoire de cette baleine dont la mort en septembre dernier a donné lieu à de nombreuses spéculations ? Un documentaire proposé par BBC Two fait des révélations étonnantes sur cet animal phénomène.
Un béluga amical… soupçonné d’être un espion
L’animal visiblement apprivoisé a attiré l’attention du public en 2019 après son apparition au large de la côte nord de la Norvège tandis qu’il nageait jusqu’à un pêcheur et se frottait à son bateau. Rapidement, les professionnels remarquent son intelligence, sa sociabilité… et bien sûr aussi son harnais avec caméra intégrée.
Malgré le caractère inoffensif de l’animal, des titres annonçant l’arrivée d’un possible cétacé-espion russe commencèrent rapidement à circuler dans le monde entier, tandis que le béluga, surnommé Hvaldimir par les habitants (un clin d’œil à « hval » qui signifie baleine en norvégien et au nom du président russe Vladimir Poutine), poursuivait tranquillement son séjour en Norvège, nourri et surveillé de près par les autorités norvégiennes captivées par l’histoire de ce doux géant des mers de 4,2 mètres de long et 1 225 kg.
Des liens avérés avec les militaires russes ?
Bien que les responsables russes n’aient jamais confirmé ni nié que Hvaldimir était une baleine de garde leur appartenant, la BBC affirme que des images satellites d’une base navale proche de la frontière norvégienne semblent montrer des enclos abritant des baleines blanches qui ressemblent à Hvaldimir. Étant donné que cette installation héberge plusieurs sous-marins, il est possible que des bélugas soient utilisés pour aider à maintenir la sécurité.
Et si des dauphins-espions étaient réellement formés pour infiltrer des frontières étrangères, il est évident que la Russie travaillerait à les rendre un peu plus discrets. « Si nous utilisions cet animal pour l’espionnage, pensez-vous vraiment que nous attacherions un numéro de téléphone mobile avec le message « Veuillez appeler ce numéro » ? » affirmait Viktor Baranets, un colonel de réserve russe, en 2019.
Alors, que faisait le béluga Hvaldimir là-bas ?
Certains experts soutiennent maintenant que bien que passionnante, cette histoire d’espionnage était exagérée. Selon la chercheuse en mammifères marins Olga Shpak, Hvaldimir n’était en effet pas un espion. Cette spécialiste de l’espèce affirme certes qu’elle est convaincue que la baleine appartenait effectivement à l’armée et s’est échappée d’une base navale dans le cercle arctique.
Interrogée par la BBC à l’occasion d’un nouveau documentaire sur l’histoire du béluga (intitulé Secrets of the Spy Whale), la Dre Shpak, qui a travaillé en Russie sur les mammifères marins des années 1990 jusqu’à son retour dans son Ukraine natale en 2022, a toutefois déclaré à BBC News qu’elle était « à 100 % certaine » du rôle initial de l’animal.
Un béluga rebelle et indépendant
Shpak est arrivée à ses conclusions après avoir consulté de nombreuses sources dans la communauté russe des mammifères marins, y compris des dresseurs et des vétérinaires. Restés anonymes pour garantir leur sécurité, ces experts confirment que ce cétacé s’appelait auparavant Andruha et avait été capturé en 2013 dans la mer d’Okhotsk, à l’extrême est de la Russie.
« Je pense qu’une fois qu’ils ont commencé à travailler en pleine mer, en faisant confiance à cet animal (pour ne pas s’enfuir), il les a simplement laissés tomber », affirme l’experte. « Ce que j’ai entendu de la part des employés d’un delphinarium commercial qui l’avaient auparavant, c’est qu’Andruha était intelligent, donc un bon choix pour être dressé. Toutefois, en même temps, il avait un côté hooligan, un béluga actif, donc ils n’étaient pas surpris qu’il ait cessé de suivre le bateau et soit parti où il voulait. »
Hvaldimir/Andruha n’est par ailleurs pas le premier cétacé enrôlé dans des projets militaires russes. Comme d’autres pays, la Russie a depuis longtemps ouvertement formé des mammifères aquatiques pour patrouiller près des avant-postes et bases sensibles. Outre la garde de bases navales, d’autres animaux reçoivent quant à eux une formation pour aider des plongeurs ou encore retrouver de l’équipement perdu. Ces animaux ne sont donc pas là pour espionner d’autres nations, mais bien pour fournir des images en direct de leur environnement à leurs dresseurs grâce à ces fameux harnais équipés de caméras.
Le destin d’un béluga : comment est mort Hvaldimir ?
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Malheureusement, l’histoire incroyable de Hvaldimir/Andruha ne connaît pas une fin heureuse. Ayant appris à se nourrir seul peu après son arrivée au large des côtes norvégiennes, il a passé plusieurs années à voyager vers le sud du pays et en mai 2023, il a même été repéré au large de la côte suédoise. Malheureusement, le 1ᵉʳ septembre 2024, la mauvaise nouvelle tombe : son corps sans vie a été retrouvé flottant en mer, près de la ville de Risavika, sur la côte sud-ouest de la Norvège.
Beaucoup ont alors craint une intervention de la Russie de Poutine. Toutefois, il n’en est rien. Bien que certains groupes d’activistes aient suggéré que la baleine avait été abattue, cette hypothèse a en effet été rapidement écartée par la police norvégienne qui affirme qu’il n’y avait aucune preuve que l’activité humaine ait directement causé la mort du béluga. Selon un rapport d’autopsie préliminaire par un institut vétérinaire norvégien, Hvaldimir/Andruha serait en réalité mort après qu’un bâton se soit coincé dans sa bouche. Le cétacé ne pouvait alors plus se nourrir, ce qui a causé sa perte. Une bien triste fin pour cet animal épris de liberté et devenu célèbre bien malgré lui…