L’histoire humaine de l’Amérique serait finalement deux fois plus ancienne

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Crédits : Ardelean ciprien

De nouvelles découvertes archéologiques suggèrent que les premiers humains ont atteint l’Amérique il y a entre 25 000 et 30 000 ans. Soit environ 15 000 ans plus tôt que les estimations précédentes.

Doit-on réécrire l’histoire ?

Nous pensions jusqu’à présent que les premiers peuplements des Amériques s’étaient produits il y a environ 13 000 ans, via un « couloir sans glace » percé à travers les vastes calottes qui recouvraient le paysage à cette époque.

On estimait alors que ces premiers humains avaient apporté dans leur bagages leur propre « boîte à outils » permettant le travail de la pierre. Cette « technologie Clovis », comme les anthropologues la surnomment, se serait ensuite rapidement répandue à travers le continent.

Or, deux nouveaux articles publiés dans Nature remettent aujourd’hui en question cette théorie et proposent un scénario alternatif. Et pour cause, en fouillant la grotte de Chiquihuite, dans le nord du Mexique, des chercheurs ont mis au jour des centaines d’outils en pierre taillée révélant une industrie lithique encore méconnue, certains remontant à environ 30 000 ans avant notre ère.

Ce calendrier révisé suggère ainsi que ces premiers humains n’ont pas attendu la fonte des plates-formes de glace géantes pour venir s’aventurer pour la première fois en Amérique du Nord. Il apparaît aujourd’hui plus probable que ces derniers aient suivi une route côtière en longeant le Pacifique. Ils auraient ainsi contourné les calottes impénétrables de la Cordillère et des Laurentides.

Évidemment, il est toujours possible que des humains aient traversé un couloir libre de glace dans le but de rejoindre ces terres. Mais ces voyages, expliquent les chercheurs, ne se sont opérés que bien plus tard.

« Nos recherches apportent de nouvelles preuves sur une présence ancienne des humains en Amérique, dernier continent à avoir été occupé par l’homme moderne », s’est félicité auprès de l’AFP l’archéologue Ciprian Ardelean, auteur principal de l’une des deux études.

« Nous ne savons pas qui ils étaient, d’où ils venaient, ni où ils sont allés »

Les plus anciens spécimens datés au radiocarbone (ou carbone 14) à environ 30 000 ans avant notre ère « sont peu nombreux, mais ils sont bien là », poursuit le chercheur. Ce dernier évoque également une méthode de taille de pierre unique en Amérique, utilisant le débitage en fines lamelles – une technologie avancée qui serait venue d’ailleurs, selon les auteurs.

Notez qu’aucun os ni aucun ADN humain n’ont été trouvés sur le site. Les chercheurs ont ici déduit leur présence grâce à la découverte de ces quelques outils. « Nous ne savons pas qui ils étaient, d’où ils venaient, ni où ils sont allés. C’est une énigme complète », poursuit Ciprian Ardelean.

Au moment où la célèbre population Clovis est entrée en Amérique, ces premiers Américains avaient probablement déjà disparu depuis des milliers d’années. Il apparaît même tout à fait possible que de nombreuses colonisations ratées se soient opérées avant leur arrivée. Colonisations qui n’ont laissé aucune trace génétique dans la population d’aujourd’hui.

Un abri saisonnier ?

Toujours selon le Dr. Ardelean, ces premiers visiteurs n’occupaient pas la grotte de façon continue. « Nous pensons qu’il y passaient au contraire une partie de l’année en l’utilisant comme abri d’hiver ou d’été, ou comme base pour chasser pendant la migration. Cela pourrait être le plus ancien hôtel des Amériques ».

Ce site, situé à environ 2 500 mètres d’altitude, est très difficile d’accès mais aurait permis d’avoir une vue d’ensemble assez large du paysage environnant. Un emplacement idéal pour voir mais ne pas être vu, en quelque sorte.

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La grotte de Chiquihuite, dans le nord du Mexique. Crédits : Devlin A. Gandy

À noter que cette région du Mexique est aujourd’hui contrôlée par des cartels de la drogue. Les chercheurs ont donc été escortés par des policiers armés jusqu’au pied de la montagne avant de se rendre à pied jusque dans la grotte.

Mais selon le Dr Ardelean, les risques en valaient la peine. « Le peuplement des Amériques est le dernier Saint Graal de l’archéologie moderne, explique-t-il. Les sites non conventionnels doivent être pris au sérieux et nous devons aller les chercher intentionnellement. Nous avons affaire à une poignée d’humains évoluant il y a des dizaines de milliers d’années, nous ne pouvons donc pas nous attendre à ce que les signaux soient très clairs. Nous avons littéralement creusé plus profondément que quiconque dans le passé ».