C’est un chercheur spécialisé dans l’interaction entre l’homme et l’environnement dans lequel il vit qui l’affirme : un changement dans le mode de vie des populations au néolithique aurait pu avoir un impact aggravant sur la désertification du Sahara.
Le Sahara vert
On savait qu’il y a 10 000 ans environ le Sahara était encore vert et humide. C’était alors un espace au climat plus favorable à l’occupation humaine. Pendant plusieurs millénaires une population de chasseurs-cueilleurs y prospéra. À ses côtés vivait une faune sauvage nombreuse : éléphants, girafes, buffles, rhinocéros. Un art rupestre abondant est là pour témoigner de cette période faste. Cependant vers 6200 ans av. J.C puis vers 2200 av. J.C, la région connut des phases d’aridification des sols qui se perpétue encore de nos jours aux confins du Sahel. En quelques milliers d’années, cette zone favorable à la vie humaine est ainsi devenue le plus grand désert du monde.
Jusqu’à présent, les hypothèses scientifiques sur les causes de la désertification à partir du néolithique ne prenaient pas en compte le facteur humain pour expliquer ce bouleversement. L’explication « classique » pointait avant tout l’influence du cycle orbital qui avait gravement compromis la présence bénéfique des moussons sur une partie du continent africain. Sans doute l’avènement de la notion d’anthropocène, un terme scientifique encore controversé désignant une ère géologique dans laquelle l’activité humaine modifie fortement la biosphère, a-t-il contribué à ouvrir une nouvelle perspective sur la désertification du Sahara.
L’impact de l’activité humaine sur le processus de désertification
Dans un article paru dans la revue Frontiers in Earth Science, Richard D. Wright est le premier à montrer que les activités humaines auraient déjà à l’époque du néolithique pu jouer un rôle déterminant dans la désertification du Sahara. Pour étayer sa théorie, l’archéologue a pris en compte l’histoire environnementale de différentes régions du monde. Ainsi l’introduction du pastoralisme parmi les populations sahariennes a été un facteur aggravant de la crise climatologique dans laquelle se trouvait le Sahara : « le pastoralisme en particulier est supposé accroître la disparition de la végétation et les dérèglements dans les écosystèmes en déséquilibre. » Pour appuyer son propos, il prend en exemple l’impact de l’introduction du bétail sur l’environnement en Nouvelle-Zélande ou en Amérique du Nord. Elle se traduit à chaque fois par « une nette réduction de la productivité primaire, une homogénéisation de la flore, une transformation du paysage en biosphère dominée par des arbustes, une prolifération globale des plantes xérophytes. »
Il y a 8000 ans, la région saharienne connut un épisode d’aridification généralisée qui dura environ 1000 ans. Alors que la mousson permettait d’assurer un certain taux d’humidité au sud, le nord entamait une longue phase d’assèchement. C’est après cette période que les populations auraient adopté un mode de vie basé sur le pastoralisme nomade ou semi-nomade. C’est précisément la domestication animale et l’introduction du bétail qui auraient eu un impact négatif sur un environnement déjà fragilisé par l’assèchement global selon Richard D. Wright : « Les ingrédients-clés pour des changements d’origine anthropologique sur le régime écologique inclus des processus naturels ou artificiels, l’augmentation de la population ou la prolifération des modifications sur le paysage suffisent pour entraîner le système dans un état nouveau. »
L’activité pastorale du néolithique aurait donc été un accélérateur des tendances environnementales et climatologiques « naturelles » favorisant la désertification du Sahara. Peut-être sommes-nous entrés dans l’ère de l’anthropocène un peu plus tôt que prévu.
Sources : Revues, Phys.org, Nature.com