Au cœur des montagnes de Māhneshān, en Iran, se trouve la mine de Chehrābād. Depuis plus de 2 000 ans, ce site archéologique majeur conserve les restes momifiés de mineurs morts dans des conditions terribles. Ces hommes de sel, comme on les appelle, ont été préservés de manière exceptionnelle grâce au sel qui imprègne les parois de la mine.
Une ressource précieuse
Le sel, l’or blanc de l’Antiquité, était une ressource stratégique d’une importance capitale pour les civilisations anciennes. Sa maîtrise était en effet synonyme de pouvoir économique et politique. La mine de Chehrābād, située au cœur de l’empire achéménide, l’un des plus vastes jamais connus, témoigne de cette quête inlassable.
Les Perses, de grands conquérants et organisateurs, avaient en effet compris l’enjeu vital de contrôler les routes commerciales du sel. Cette ressource essentielle servait non seulement à conserver les aliments, mais aussi à payer les soldats et à entretenir les infrastructures.
Notez que l’exploitation de la mine de Chehrābād s’est étalée sur plusieurs millénaires, de la période achéménide à la période islamique. Les archéologues ont découvert des traces d’occupation humaine remontant au Chalcolithique, mais il est difficile de déterminer avec certitude à quelle époque la mine a été exploitée pour la première fois. La découverte de ces hommes de sel nous plonge en tout cas directement au cœur de cet engrenage économique et politique où chaque grain de sel avait sa valeur.
Une mort lente et douloureuse
Les conditions de travail dans ces mines étaient sans doute extrêmement difficiles. L’obscurité, le bruit, la poussière et les effondrements étaient des dangers constants. Les outils rudimentaires et la pénibilité de la tâche exigeaient une force physique considérable. Les corps momifiés témoignent d’ailleurs de ces conditions extrêmes et nous rappellent le prix payé par ces hommes pour satisfaire la soif de sel de l’empire.
Les analyses des corps ont en effet révélé des fractures, des blessures par compression et même des traces de parasites intestinaux. Ces indices suggèrent que ces hommes ont subi des accidents dans la mine, certains ayant peut-être été ensevelis vivants. La découverte d’un jeune garçon de seize ans, les mains levées comme pour se protéger, est particulièrement poignante.
La magie du sel : une conservation exceptionnelle
L’un des aspects les plus fascinants de cette découverte réside dans l’état de conservation exceptionnel des corps. Comment ces hommes ont-ils pu être préservés pendant des millénaires ? La réponse se trouve dans un élément simple, mais extraordinaire : le sel. Ce dernier possède en effet des propriétés déshydratantes très puissantes. Au contact des tissus organiques, il absorbe en effet l’eau contenue dans les cellules. Cela empêche ainsi la prolifération des bactéries responsables de la décomposition. Le sel a également réagi avec les protéines présentes dans les tissus, les transformant en une substance dure et coriace, semblable au cuir. Ce processus, appelé tannisation, a contribué à renforcer la conservation des corps.
Ce type de momification naturelle est relativement rare. Elle se produit généralement dans des environnements très secs comme les déserts ou les grottes salines. Il est également important de noter que la qualité de la conservation varie d’un corps à l’autre. Certains sont en effet parfaitement préservés, tandis que d’autres ont subi des dégradations plus importantes. Ces différences s’expliquent par la position du corps dans la mine, la quantité de sel qui l’a recouvert et les éventuels mouvements de terrain qui ont pu se produire au fil du temps.
Grâce à cette conservation, les scientifiques peuvent étudier ces corps avec une précision inégalée. Ils peuvent ainsi en apprendre davantage sur l’anatomie, la physiologie et la pathologie des hommes de l’Antiquité. De plus, l’analyse des vêtements, des outils et des traces de nourriture retrouvés sur les corps permet de reconstituer leur mode de vie et leur environnement.
Malgré tout, de nombreuses questions restent en suspens. Comment ces hommes ont-ils vécu ? Quelles étaient leurs motivations pour travailler dans des conditions aussi dangereuses ? Comment se sont organisées les équipes de mineurs ? Autant de questions auxquelles les archéologues cherchent encore des réponses.
L’étude est publiée dans le Journal of World Prehistory.