Le cerveau humain est souvent considéré comme l’organe qui définit notre intelligence et notre capacité à raisonner, à créer et à interagir. Pourtant, la relation entre la taille du cerveau et les capacités cognitives n’est pas aussi simple qu’on pourrait le penser. Un cas exceptionnel, celui d’un homme dont le cerveau pesait 2,85 kilogrammes, nous rappelle que la taille n’est pas toujours synonyme de performance.
Un cas unique
À la fin du dix-neuvième siècle, dans un hôpital des Pays-Bas, un jeune homme (dont on ignore le nom) souffre d’épilepsie et de problèmes de développement. À seulement vingt et un ans, il est hospitalisé dans un asile. Les médecins s’inquiètent de son état, mais l’homme finit par décéder. Néanmoins, ce qui se passe après sa mort est bien plus surprenant.
Lors de son autopsie, le pathologiste néerlandais Gerard Christiaan van Walsem fait en effet une découverte incroyable : son cerveau pèse 2,85 kilogrammes. Pour mettre cela en perspective, le poids normal d’un cerveau humain se situe entre 0,9 et 2 kilogrammes avec une moyenne qui tourne autour de 1,35 kilogramme. Ce cas unique est donc enregistré dans le livre du Guinness des records.
Cette découverte a naturellement soulevé des questions importantes sur la relation entre la taille du cerveau et la santé mentale. À l’époque, la neurologie et la psychiatrie étaient encore des disciplines en plein développement et les médecins commençaient à s’interroger sur les liens entre la structure cérébrale et les comportements humains. Et bien que ce jeune homme ait un cerveau exceptionnellement lourd, son état de santé et ses déficiences intellectuelles avaient ainsi montré que « plus gros » ne rime pas toujours avec « meilleur ». Les professionnels de la santé commencèrent alors à réaliser que d’autres facteurs, tels que la structure cérébrale et la connectivité neuronale, pouvaient jouer un rôle crucial dans le développement cognitif.
Les recherches modernes ont confirmé cette absence de lien direct entre taille et intelligence. Par exemple, une recherche menée en 2019 sur plus de 13 500 personnes a conclu que le volume crânien n’influe pas sur le quotient intellectuel (QI). Les structures cérébrales et leur connectivité semblent jouer un rôle beaucoup plus important dans nos capacités cognitives.
Un cerveau plus petit qu’avant
Au cours des derniers milliers d’années, des études scientifiques ont même montré une tendance surprenante : la taille moyenne du cerveau humain a diminué. Les chercheurs suggèrent que cette évolution pourrait être le résultat de changements dans la manière dont les humains interagissent et traitent l’information.
Une étude menée en 2021 propose notamment que cette réduction de taille soit étroitement liée à l’externalisation des connaissances, un phénomène qui a commencé avec l’invention de l’écriture. Avant cette avancée, la transmission de connaissances et d’informations reposait principalement sur la mémoire individuelle. Les gens devaient se souvenir d’histoires, de pratiques et d’informations essentielles pour survivre. Avec l’écriture, ces connaissances ont pu être conservées et partagées de manière plus systématique, réduisant ainsi la nécessité pour chaque individu de mémoriser une grande quantité d’informations.
En parallèle, la complexification des sociétés humaines a favorisé un modèle de prise de décision plus collective. Dans les sociétés modernes, nous avons accès à une multitude d’informations grâce à des outils comme Internet, ce qui nous permet de collaborer et de prendre des décisions en groupe plutôt que de nous fier uniquement à notre propre réflexion. Ce phénomène appelé cognition distribuée signifie que nous pouvons partager les responsabilités cognitives. Par exemple, au lieu qu’une seule personne prenne toutes les décisions, un groupe peut collaborer pour parvenir à un consensus en s’appuyant sur l’expertise et les connaissances de chacun.
Ainsi, la diminution de la taille du cerveau pourrait ne pas être une régression, mais plutôt une adaptation à un monde de plus en plus interconnecté où l’information peut être partagée et stockée efficacement. Les humains sont devenus des êtres sociaux qui tirent parti de la connaissance collective et cette évolution pourrait expliquer pourquoi nous avons moins besoin d’un cerveau physiquement grand pour gérer les défis de notre environnement.