Bien potelés, les hippopotames ne possèdent certes pas la grâce terrestre du cheval. Toutefois, contrairement à l’éléphant ou au rhinocéros, ses quatre pattes décollent du sol lorsqu’il atteint sa vitesse maximale et permettent à son corps massif de s’envoler… au moins le temps d’un bref instant. C’est en tout cas ce qu’une étude publiée dans Peerj, vient de découvrir pour la toute première fois, permettant au passage d’en apprendre plus sur cet animal semi-aquatique particulièrement énigmatique pour la science et capable de reconnaître la voix de ses amis.
Les hippopotames : peu de talent pour la nage, mais un certain goût pour le vol
Avec une masse qui tourne autour des deux tonnes, les hippopotames (Hippopotamus amphibius) s’imposent comme de véritables poids lourds et comptent parmi les animaux les plus larges sur la planète. À cause de leur densité phénoménale, ces animaux qui passent beaucoup de temps dans l’eau ne peuvent pas flotter ou nager. Pour se déplacer en milieu aquatique, ils doivent donc marcher en suivant le fond de l’eau, aidés de leurs pattes courtes, charnues et palmées, idéales pour la marche dans les différents milieux dans lesquels ils évoluent.
Néanmoins, si la natation leur est inaccessible, ils se rattrapent avec une locomotion efficace. Et justement, deux chercheurs spécialisés en biomécanique évolutionnaire du Royal Veterinary College, une école vétérinaire intégrée à l’Université de Londres (Royaume-Uni), se sont donné pour mission de l’étudier. Pour ces travaux, le professeur John Hutchinson et Emily Pringle, l’une de ses anciennes étudiantes de premier cycle, ont utilisé des enregistrements vidéo du Flamingo Land Resort (un zoo du Yorkshire), complétés par d’autres vidéos trouvées sur Internet afin de pouvoir étudier un éventail de comportement et de mouvements plus larges en comparaison des animaux en captivité. Cela leur a ainsi permis d’étudier 169 cycles de locomotion de 32 hippopotames.
Une analyse biomécanique poussée
En étudiant les données récoltées avec une perspective purement biomécanique, les chercheurs en sont venus à la conclusion que ces animaux utilisent presque uniquement le trot, et ce, qu’ils marchent ou courent à vitesse maximale. Cette observation est très étonnante dans la mesure où chez les animaux terrestres, l’on retrouve un répertoire très varié de démarches. Par exemple, le rhinocéros utilise la marche quadrupède standard, mais peut passer au trot ou même galoper lorsqu’il veut se déplacer plus vite. Quant à l’éléphant, plus large, mais aussi plus limité dans ses mouvements, il peut adopter la marche et pas le trot, mais arrive tout de même à courir rapidement.
Néanmoins, la découverte la plus étonnante était que lorsque l’hippopotame fonce à des vitesses plus élevées (il peut aller à de plus de trente kilomètres par heure), il se retrouve en suspension dans l’air pendant 0,3 seconde, ce qui représente pas moins de 15 % du cycle de course sans qu’aucune de ses pattes ne touche le sol. « Les hippos font preuve d’une habilité sportive qui dépasse celle des éléphants de bien des manières, mais peut-être pas meilleure que celle des rhinocéros », concluent les chercheurs. Cette étude démontre en tout cas les capacités athlétiques insoupçonnées de cet animal très large, capable de passer un moment relativement long en phase aérienne.

Les hippopotames : des animaux difficiles à étudier
D’après les scientifiques, une fois les données récoltées, l’étude s’est avérée très facile à réaliser. Il suffisait en effet de récolter des vidéos et de les analyser. Toutefois, une difficulté persistait, expliquant le manque de littérature scientifique sur ces animaux. Comme le déplore en effet John Hutchinson, « j’ai eu du mal à travailler sur les hippopotames jusqu’à présent, car ils sont très difficiles d’accès. Ils sont incroyablement dangereux, ils ont tendance à être plus actifs la nuit et ils passent beaucoup de temps dans l’eau. »
Ces recherches ont néanmoins permis d’enfin mieux comprendre la locomotion de ces animaux, et plus globalement d’avoir une meilleure compréhension scientifique des capacités extraordinaires des animaux les plus imposants, notamment lorsqu’il s’agit de se mouvoir. Et bien qu’il puisse paraître insolite, ce type de travaux est essentiel pour réussir à retracer l’évolution du déplacement, depuis les grands dinosaures jusqu’aux animaux modernes. Notez cependant que ces recherches ne sont pas tout à fait terminées. En effet, le professeur Hutchinson entend à présent découvrir si les bébés hippopotames sont capables de galoper, une capacité déjà bien maîtrisée par leurs cousins, les hippopotames pygmées.
En attendant ces prochaines découvertes, voici une vidéo montrant des hippopotames en train de courir partagée par le Royal Veterinary College :
Consultez l’étude sur ce lien.