Les conflits géopolitiques n’occasionnent pas seulement des pertes humaines : ils frappent également la faune sauvage, perturbant les écosystèmes et mettant en danger de nombreuses espèces déjà vulnérables. La guerre en Ukraine ne serait qu’un exemple parmi d’autres, menaçant sévèrement la migration des aigles criards, ces rapaces vulnérables.
L’aigle criard, une espèce de rapace menacée
L’aigle criard (Clanga clanga) est une espèce de rapace diurne appartenant à la famille des Accipitridae, qui nidifie et se reproduit depuis la Pologne jusqu’à l’Asie. Avec son bec crochu, ses griffes acérées et son plumage foncé aux reflets cuivrés, l’oiseau de proie est souvent confondu avec son cousin l’aigle pomarin.
À l’instar d’autres rapaces, le régime de l’aigle criard se compose de petits mammifères (rats, campagnols, hamsters sauvages, taupes, etc.), d’oiseaux, de poissons et de batraciens, voire de cadavres d’animaux quand les sources de nourriture se font rares.
C’est grâce à une technique de chasse bien ficelée que l’aigle criard parvient à varier son régime alimentaire : celui-ci fond sur sa proie depuis un poste d’affût généralement situé au bord d’un plan d’eau ou dans une zone dégagée. À moins qu’il ne décide de se livrer à de savants vols planés pour explorer les environs à la recherche de nourriture, s’emparant parfois d’oisillons n’ayant pas appris à voler.
Comportement migratoire
Oiseaux migrateurs par excellence, les aigles criards quittent leurs zones de reproduction à partir du mois de septembre et jusqu’à la fin octobre pour se diriger vers l’Égypte, la Turquie, l’Inde, l’Irak et la Chine. Certains spécimens s’avèrent toutefois sédentaires, visibles dans le sud de l’Europe et autour du bassin méditerranéen.
Statut actuel de l’espèce
Sur le territoire français, lieu de passage migratoire exceptionnel, l’aigle criard bénéficie d’une protection totale depuis l’arrêté ministériel de 1981 relatif aux oiseaux protégés. Mais son statut de protection ne suffit pas toujours à sa conservation. D’après la liste rouge de l’UICN relative à l’union européenne, le rapace est considéré comme une espèce en danger critique d’extinction (et vulnérable dans le reste du monde).
Pourquoi un tel surnom ?
Si l’aigle clanga clange est qualifié de « criard », c’est en raison de son cri distinctif consistant en des sons aigus et stridents, semblables à des cris ou à des sifflements. L’oiseau de proie émet en effet des appels perçants qui peuvent porter sur plusieurs kilomètres.
L’impact de la guerre en Ukraine sur l’aigle criard
Chaque année, les aigles criards quittent leurs aires d’hivernage pour regagner les zones de reproduction situées au sud de la Biélorussie. D’une durée d’une semaine environ, cette migration amène les rapaces à survoler l’Ukraine, en guerre depuis la fin du mois de février 2022.
Face à ces conflits, les oiseaux ont été contraints de modifier leur trajectoire migratoire pour éviter les combats, entraînant des détours importants et augmentant leur traversée de plus de 70 kilomètres en moyenne.
En plus des distances supplémentaires à parcourir, les aigles criards ont dû réduire les arrêts nécessaires au repos et à la recherche de nourriture et d’eau. Selon les chercheurs, cette absence d’escales serait susceptible d’affecter la condition physique et le succès reproductif des oiseaux.
À long terme, ces changements d’habitudes migratoires pourraient se répercuter sur les populations d’aigles criards, déjà vulnérables : les retards aux zones de reproduction ne sont pas à l’abri d’entraîner une désynchronisation avec la disponibilité des proies, affectant ainsi la capacité des rapaces à se reproduire.