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Une vue de l'angle est du gisement funéraire néolithique de San Juan ante Portam Latinam en Espagne avant que les chercheurs ne le fouillent. Crédits : JI Vegas

La guerre en Europe a commencé bien avant que nous le pensions

En Espagne, un charnier contient les restes de personnes mortes il y a environ 5 000 ans. On pensait auparavant qu’il s’agissait des victimes d’un massacre. Une nouvelle analyse révèle que beaucoup de ces squelettes sont ceux d’hommes tombés au combat, probablement dans le cadre d’une guerre entre éleveurs et agriculteurs.

Des centaines de squelettes

L’abri sous roche de San Juan ante Portam Latinam (SJAPL) à Laguardia, au nord de l’Espagne, fait régulièrement l’objet de fouilles depuis le début des années 90. Sur place, les chercheurs ont mis au jour plus de 300 squelettes datés entre 3 380 et 3 000 av. J.-C..

Ces squelettes étaient entassés dans une sépulture collective (un charnier) où beaucoup étaient dans des positions inhabituelles, comme si les corps avaient été jetés. Les chercheurs ont d’abord pensé qu’il s’agissait d’un massacre néolithique, mais une analyse récente des squelettes suggère que certaines de ces personnes ont probablement été tuées lors de raids ou de batailles distincts s’étalant sur plusieurs mois ou années.

Les hommes, particulièrement touchés

Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont minutieusement analysé les squelettes provenant du site en se concentrant sur les blessures à la fois cicatrisées et non cicatrisées. Ils ont identifié un total de 107 blessures crâniennes, principalement localisées au sommet du crâne, qui semblaient résulter de traumatismes contondants, tels que des coups portés avec des masses de pierre ou des gourdins en bois. Notez aussi que les hommes présentaient cinq fois plus de ces blessures crâniennes que les femmes.

En outre, les chercheurs ont observé plus d’une vingtaine de fractures affectant les autres membres et 25 autres blessures corporelles sur ces squelettes. Ces dernières semblaient également toucher de manière disproportionnée les hommes. Les blessures causées par des pointes de flèche étaient en effet plus fréquentes chez les squelettes masculins, suggérant que les hommes (adolescents et adultes) étaient plus souvent impliqués dans des actes de violence à distance que les femmes.

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Un exemple de traumatisme important causé par un objet contondant affectant l’avant et le côté droit d’un crâne de San Juan ante Portam Latinam, dans le nord de l’Espagne. Crédits : T. Fernández-Crespo

Une compétition pour les ressources

Pour les chercheurs, cette observation suggère fortement que le site fut le théâtre de batailles et de raids impliquant des combattants masculins. Les chercheurs avancent que ces conflits étaient probablement dus à des tensions liées à la concurrence pour les ressources, en particulier dans un contexte de stress alimentaire et de pression démographique. À cette époque, les communautés néolithiques du site étaient en effet principalement composées d’agriculteurs qui cultivaient des céréales telles que le blé et l’orge, en plus de s’occuper de troupeaux domestiqués de moutons, de bovins et de porcs.

La combinaison de la concurrence pour les ressources alimentaires, la densité démographique croissante et la coexistence de différents groupes culturels aurait alors pu créer un climat de tension et de rivalité, poussant ces communautés à s’engager dans des conflits violents.

Les détails de l’étude sont publiés dans la revue .

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.