Il y a plusieurs milliards d’années, on suppose que la Terre était enroulée d’un vaste océan de magma. À cause de la tectonique des plaques, il nous reste peu de preuves de ce à quoi ressemblait cette « version jeune » de notre planète. Au Groenland, des chercheurs ont tout de même pu isoler des roches témoignant de ce passé ardent.
Peu après sa formation, la Terre était une vraie « sucette à l’orange » entièrement recouverte d’un océan de magma en fusion. Et pour cause, notre monde se faisait régulièrement attaquer de toute part, essuyant les « gifles » d’objets immenses, dont celui responsable de la formation de la Lune. La chaleur de ces impacts a donc inévitablement retardé son processus de refroidissement. D’après les modélisations, c’est une étape assez courante dans l’évolution planétaire.
Puis, au bout d’un certain temps, les choses se sont calmées, les impacts se sont raréfiés et les températures ont baissé. Le processus de tectonique des plaques a finalement pris le dessus et les preuves de ces temps anciens ont été attirées vers l’intérieur de la Terre pour être recyclées. Toutefois, il semblerait que certaines de ces reliques aient survécu.
Les signatures chimiques isolées dans des roches basaltiques du Groenland vieilles de 3,7 milliards d’années soutiennent en effet la théorie selon laquelle notre planète était jadis enroulée de magma.
Des roches survivantes
Au Groenland, la ceinture de roches vertes d’Isua, également connue sous le nom de ceinture supracrustale d’Isua, rivalise avec les Jack Hills, une chaîne de collines australiennes abritant quelques-uns des plus anciens minéraux d’origine terrestre.
« Il y a peu de possibilités d’obtenir des contraintes géologiques sur les événements du premier milliard d’années de l’histoire de la Terre« , rappelle en effet la Dre Helen Williams de l’Université de Cambridge. « Il est étonnant que nous puissions même tenir ces roches entre nos mains et encore plus d’obtenir autant de détails sur les débuts de l’histoire de notre planète« .
Dans la revue Science Advances, Williams et son équipe expliquent avoir analysé des cristaux dans les roches d’Isua, dont la chimie (niveaux élevés d’isotopes de fer lourd) indiquerait qu’ils se sont formés à au moins 700 kilomètres sous la surface de la Terre. Les isotopes de fer plus légers se présentent généralement dans les roches balsamiques plus jeunes.
Ces conclusions n’ont été possibles que grâce aux progrès récents dans la compréhension de la façon dont les rapports isotopiques du fer varient en fonction des températures et des pressions sous lesquelles se forment les cristaux les contenant.
Des reconstitutions fondues de matériaux anciens
Concrètement, ces cristaux auraient ensuite emprunté un chemin vers la surface pour finalement former ces roches du Groenland, fondant partiellement et se recristallisant plusieurs fois au cours de leur voyage sans pour autant complètement effacer leurs transformations précédentes.
« De vieilles roches, comme celles du Groenland, sont des reconstitutions fondues de matériaux anciens« , résume ainsi Catherine McCammon, l’Université de Bayreuth en Allemagne.
Bien qu’il s’agisse de la première preuve témoignant de l’existence d’un océan magmatique au début de l’histoire de la Terre, l’équipe est convaincue que plusieurs de ces océans existaient avant cela. Il faudra néanmoins encore beaucoup de travail et de patience pour isoler et analyser d’autres géosignatures « survivantes ».