Groenland : quand les glaciers s’étendaient en période de réchauffement climatique

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Glaciers de l'Île de Disko vus par avion le 10 décembre 2019. Crédits : Wikimedia Commons.

Une nouvelle étude montre que depuis deux millénaires, les glaciers de la côte ouest du Groenland gagnaient en masse et en superficie lorsque le climat se réchauffait. Ces résultats surprenants révèlent également le caractère spécifique du réchauffement en cours, bien plus massif et accompagné d’un recul généralisé des glaciers arctiques.

Tout un chacun peut faire l’expérience. En sortant une bouteille d’eau glacée du congélateur, celle-ci va d’abord se couvrir d’une couche de gel avant d’entamer sa fonte. L’accumulation de cristaux de glace à la surface de la bouteille est d’autant plus importante que l’air ambiant est riche en vapeur d’eau.

Une certaine analogie existe avec la dynamique des glaciers et des calottes glaciaires. Citons à cet égard de récents travaux parus dans la revue Nature Geoscience. Les chercheurs impliqués ont en effet découvert qu’au cours des deux derniers millénaires, les glaciers de la côte occidentale du Groenland se sont étendus lors des périodes de réchauffement climatique.

L’évolution des glaciers : une question de bilan entre ablation et accumulation

Ces données contrastent nettement avec ce que l’on observe aujourd’hui, c’est-à-dire un recul rapide des glaces, en Arctique comme ailleurs. Pourquoi une telle différence entre le passé et le présent ? Dans leur étude, les auteurs expliquent que tout tient à l’intensité du réchauffement.

Évolution des pertes de masse annuelles de la calotte groenlandaise entre 2002 et 2020. Crédits : NASA

Tant que la hausse des températures (donc de la fonte) est compensée par la hausse des chutes de neige, car un air plus chaud peut contenir plus de vapeur d’eau, les glaciers ne reculent pas, voire s’étendent. Cependant, vient inévitablement un moment où ce mécanisme ne fonctionne plus et où l’effet de l’élévation des températures l’emporte. En somme, si les épisodes de réchauffement observés depuis deux mille ans étaient suffisamment limités pour permettre une croissance des glaces dans le secteur étudié, celui en cours est bien trop important.

« Actuellement, nous savons que les glaces du Groenland fondent en raison du réchauffement, contribuant davantage à l’élévation du niveau de la mer. Toutefois, nous avons encore à explorer comment elles ont changé dans le passé en raison des variations climatiques », précise Matthew Osman, auteur principal du papier. « Les résultats ont été une surprise, car il y a un changement fondamental en cours dans la réponse des glaciers au climat : aujourd’hui, ils disparaissent, mais dans le passé, avec de faibles taux de réchauffement, ils avaient en fait tendance à grandir ».

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Crédits : Michalea King

De précieuses archives naturelles en danger

Les chercheurs ont été les premiers à effectuer un tel travail, car le prélèvement de carottes glaciaires sur les marges côtières du Groenland est particulièrement difficile. Celle analysée dans le cadre de la présente étude provient de la péninsule de Nuussuaq et fait 140 m de long. En mesurant la concentration en différents éléments chimiques, les dépôts annuels de neige et en recoupant les données avec un modèle d’écoulement glaciaire, les scientifiques ont pu déterminer les évolutions régionales depuis deux millénaires.

« Parce que nous avons collecté un enregistrement climatique de la côte, nous sommes en mesure de documenter pour la première fois qu’il y a eu ces grands changements de température, de chutes de neige et de fonte au cours des deux mille dernières années, indiquant beaucoup plus de variabilité que ce qui est observé dans les enregistrements de l’intérieur du Groenland », ajoute Sarah B. Das, coauteure du papier.

Malheureusement, le réchauffement actuel menace ces trésors d’informations sur l’environnement du passé, lesquels restent encore bien trop peu exploités selon les auteurs. « Nos résultats devraient inciter les chercheurs à revenir sur ces zones glaciaires restantes et à collecter de nouveaux enregistrements climatiques tant qu’elles existent encore », note à ce titre Matthew Osman.