Groenland : des restes de plantes vieux d’un million d’annĂ©es enfouis sous la glace

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Crédits: Michalea King

Une carotte prĂ©levĂ©e au Groenland pendant la guerre froide dans le cadre d’une mission militaire secrète nous a rĂ©vĂ©lĂ© un trĂ©sor. Ă€ l’intĂ©rieur, des chercheurs ont isolĂ© et analysĂ© des restes de plantes incroyablement bien prĂ©servĂ©s. Il y a près d’un million d’annĂ©es, elles tapissaient ces terres aujourd’hui recouvertes de glace.

Une base stratégique au Groenland

Nous sommes en 1966, en pleine guerre froide. Les AmĂ©ricains Ă©tablissent une station de recherche arctique nommĂ©e Camp Century dans le nord-ouest du Groenland. Il s’agit d’une couverture. En rĂ©alitĂ©, des scientifiques de l’armĂ©e prĂ©lèvent une carotte de glace dans le cadre du projet Iceworm, une mission top secrète visant Ă  construire une base souterraine dissimulant des centaines d’ogives nuclĂ©aires. Elles y seraient ainsi Ă  portĂ©e de frappe de l’Union soviĂ©tique.

Quelques mois plus tard, la base est finalement abandonnĂ©e. La carotte de glace (3,4 m de long) prĂ©levĂ©e Ă  une profondeur de 1368 m est alors transfĂ©rĂ©e vers l’UniversitĂ© d’État de New York (Buffalo), avant de rejoindre l’Institut Niels Bohr Ă  Copenhague (Danemark). Des morceaux de sĂ©diments gelĂ©s qui constituent le fond de la carotte sont alors placĂ©s dans des bocaux en verre Ă©tiquetĂ©s « Camp Century sub ice ». Ils se feront ensuite oublier dans un congĂ©lateur jusqu’en 2017.

Ă€ l’Ă©poque, Jørgen Peder Steffensen, le conservateur de l’installation, menait un inventaire des matĂ©riaux conservĂ©s. Reconnaissant alors les Ă©chantillons, il contacte alors Andrew Christ et son Ă©quipe du DĂ©partement de gĂ©ologie de l’UniversitĂ© du Vermont (Burlington) pour les examiner.

Des restes de plantes fossiles

En rinçant le sol gelĂ© pour trier ces sĂ©diments, les chercheurs isolent alors de petits grains noirs suspects flottant dans l’eau. Andrew Christ les met sous microscope et… surprise : il tombe sur des brindilles et des feuilles fossiles. « Quand nous les avons retirĂ©es et que nous avons mis un peu d’eau dessus, elles se sont en quelque sorte dĂ©roulĂ©es, comme si elles Ă©taient mortes hier !« , explique-t-il.

La dĂ©couverte est importante dans la mesure oĂ¹ de telles plantes (peut-Ăªtre issues d’une forĂªt borĂ©ale) ne pourraient pousser au Groenland que si la calotte glaciaire de l’Ă®le avait pratiquement disparu. L’Ă©tape suivante consistait donc Ă  les dater.

Pour ce faire, les chercheurs se sont penchĂ©s sur les isotopes (variantes du mĂªme Ă©lĂ©ment avec un nombre diffĂ©rent de neutrons) d’aluminium et de bĂ©ryllium. Ces derniers s’accumulent dans les minĂ©raux lorsqu’ils sont exposĂ©s Ă  un rayonnement qui filtre Ă  travers l’atmosphère. Ces isotopes peuvent alors indiquer aux scientifiques combien de temps les minĂ©raux ont Ă©tĂ© exposĂ©s Ă  la surface et combien de temps ils ont Ă©tĂ© enfouis sous terre.

Sur la base de ces rapports isotopiques, les auteurs ont dĂ©terminĂ© que le sol et les plantes qui y poussaient ont vu la lumière du soleil pour la dernière fois il y entre quelques centaines de milliers et environ un million d’annĂ©es.

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La majeure partie du Groenland est aujourd’hui recouverte de glace. Cependant, au cours du dernier million d’annĂ©es, elle Ă©tait recouverte de toundra. CrĂ©dits : Joshua Brown / UVM

Instabilité de la calotte glaciaire

On pensait jusqu’Ă  prĂ©sent que la couverture de glace actuelle du Groenland Ă©tait Ă¢gĂ©e de près de 2,6 Ă  2,8 millions d’annĂ©es. Or, ces restes de plantes nous racontent une histoire diffĂ©rente. Ă€ un moment donnĂ© au cours du dernier million d’annĂ©es, une grande partie du Groenland Ă©tait bel et bien libre de glace. Ces nouveaux travaux tĂ©moignent une fois de plus de l’instabilitĂ© de la calotte glaciaire.

« C’est important alors que nous avançons vers un avenir plus chaleureux« , souligne Andrew Christ. « Cela ne prĂ©sage rien de bon pour la stabilitĂ© de sa calotte glaciaire actuelle en rĂ©ponse au changement climatique entraĂ®nĂ© par l’Homme« . Pour rappel, si toute la glace du Groenland venait Ă  fondre, le niveau des ocĂ©ans pourrait s’Ă©lever d’environ sept mètres, selon National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA). De quoi inonder les villes cĂ´tières du monde entier.