Le plus vieil ADN du monde révèle un écosystème perdu du Groenland

ADN deux millions d'années Groenland
Illustration de l'écosystème nouvellement découvert au Groenland tel qu'il aurait pu apparaître il y a 2 millions d'années. Crédit : Beth Zaiken

Une équipe de chercheurs annonce avoir identifié et analysé de minuscules fragments d’ADN vieux de deux millions d’années piégés dans des couches gelées de sédiments du Groenland. Ces composés, laissés jadis par des plantes, des animaux et autres champignons, nous révèlent un écosystème jusqu’alors inconnu de la région. Les détails de l’étude sont publiés dans la revue Nature.

Depuis le milieu des années 2000, des chercheurs s’attaquent à un trésor : une dalle de sédiments de cent mètres de profondeur située dans la formation de Kap København, dans le nord du Groenland. Ces vestiges ont en effet livré plusieurs échantillons d’ADN anciens, certains vieux de plus de deux millions d’années. Il s’agit d’un record. Le précédent échantillon d’ADN le plus ancien jamais trouvé, révélé l’année dernière, avait été récupéré à partir d’un os de mammouth vieux de 1,2 million d’années en Sibérie.

Ces fragments génétiques, connus sous le nom d’ADN environnemental, ont été laissés par des plantes, des animaux et des microbes qui vivaient autrefois dans la région.

Un écosystème varié

Désolidariser ces échantillons d’ADN des sédiments environnants sans les abîmer n’a pas été simple. Chaque morceau de matériel génétique ne mesurait en effet que quelques millionièmes de millimètre de long. La collecte des sédiments a début dès 2006, mais les chercheurs ont patienté, le temps qu’une technologie plus avancée soit disponible, pour tenter d’extraire cet ADN.

Après avoir finalement isolé ces fragments, les chercheurs les ont comparés avec des séquences génomiques connues pour tenter d’identifier les créatures impliquées. Les résultats nous révèlent un écosystème très diversifié intégrant des oiseaux, des rennes, des lièvres et même des mastodontes.

Cet ADN a également révélé la présence de plusieurs espèces d’arbres, de bactéries et de champignons. Tous les échantillons n’ont pas pu être appariés avec des espèces connues. Il est donc probable que de nouvelles espèces se cachent dans tous ces échantillons.

« Un nouveau chapitre couvrant un million d’années supplémentaires d’histoire a finalement été ouvert et pour la première fois, nous pouvons regarder directement l’ADN d’un écosystème passé aussi loin dans le temps« , explique Eske Willerslev, de l’Université de Cambridge et principal auteur de l’étude.

ADN Groenland
Une illustration de ce à quoi aurait pu ressembler l’écosystème du Groenland il y a deux millions d’années. Crédit : Beth Zaiken

La couche de sédiments excavée se serait accumulée sur une période de 20 000 ans. À cette époque, les températures de la région étaient 10 à 17 degrés Celsius plus chaudes qu’aujourd’hui. Cela montre que des écosystèmes entiers peuvent évoluer et s’adapter à des températures beaucoup plus variables qu’on ne le pensait auparavant… à condition d’avoir le temps pour le faire.

Il est en effet peu probable que les espèces menacées par le changement climatique actuel connaissent autant de succès, le réchauffement s’opérant beaucoup plus rapidement que d’ordinaire.