Comment ces grenouilles font-elles pour ne pas s’empoisonner avec leurs propres toxines ?

Crédits : Micha L. Rieser / Wikimedia

Les amphibiens ont des stratégies anti-prédatrices propres au monde animal : la fuite, le camouflage ou le mimétisme d’espèces dangereuses. Phyllobates terribilis produit quant à elle une toxine létale pour la plupart des vertébrés. Mais comment fait-elle pour ne pas s’empoisonner elle-même ?

La Grenouille jaune ou dorée (Phyllobates terribilis) est originaire de Colombie et c’est la grenouille la plus dangereuse au monde. La peau de cette espèce est en effet entièrement recouverte d’un poison très mortel, une toxine alcaloïde appelée batrachotoxine qui provoque chez l’Homme des insuffisances cardiaques et des sensations de brûlure, et qui bloque les transmissions nerveuses. Si ce poison parvenait à circuler dans votre sang, vous seriez probablement mort en moins de dix minutes. Il n’y a à ce jour qu’une seule espèce connue qui soit résistante à cette toxine (un serpent), et il n’existe pas d’antidote connu. Mais alors comment cette grenouille fait-elle pour ne pas s’intoxiquer elle-même ?

Il faut savoir que retirées de leur environnement naturel et élevées en captivité, ces grenouilles deviennent en effet complètement inoffensives. Ces observations ont donc naturellement conduit à la théorie acceptée selon laquelle les grenouilles synthétisent leurs toxines à partir de leur alimentation tout comme les poissons toxiques. Pour tenter de répondre à la question posée ci-dessus, Sho-Ya Wang et Ging Kuo Wang, des chercheurs de l’Université d’État de New York (SUNY), se sont tournés vers les rats, sur des cultures de cellules musculaires. Les résultats de leurs travaux sont présentés dans un article publié dans la revue PNAS.

Les chercheurs ont ici testé cinq substitutions d’acides aminés naturels trouvées dans le muscle de P.terribilis. Lorsque les cinq acides aminés du rat ont été remplacés par ceux mutés de la grenouille, le muscle du rat est alors devenu complètement résistant à la batrachotoxine. La prochaine étape consistait à essayer les substitutions d’acides aminés un par un. Tous sauf un présentaient encore une grande sensibilité à la toxine. La seule substitution restante résistante était un acide appelé N1584T.

Des recherches antérieures menées par une équipe de Harvard avaient suggéré qu’il y avait plusieurs origines à la résistance des grenouilles à leur propre toxine, mais cette nouvelle recherche suggère que cette résistance dépend essentiellement d’une seule mutation génétique qui élimine les effets des batrachotoxines.

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