Greffes d’organes « universels » : une étude nous en rapproche

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Crédits : Réseau universitaire de santé

Dans le cadre d’une expérience de preuve de concept, des chercheurs ont réussi à convertir une paire de poumons en organes « universels ». Autrement dit, en théorie, ces poumons pourraient être transplantés chez n’importe quel receveur, quel que soit son groupe sanguin, tant que la taille des organes est appropriée.

Groupes sanguins et antigènes

Les différents types de sang humain se distinguent essentiellement par la combinaison d’antigènes qui couvrent la surface de nos globules rouges. Hérités de nos parents, ces antigènes peuvent être décomposés en 35 groupes sanguins plus larges, les plus pertinents étant le groupe A, B, O, selon leur rhésus.

Plus concrètement, les personnes ayant du sang de type A n’ont que des antigènes A, tandis que celles ayant du sang de type B n’ont que des antigènes B. Les personnes avec du sang de type AB ont les deux et les personnes de groupe sanguin O n’en ont aucun.

Alors que les globules rouges transportent ces antigènes, le plasma contient des anticorps qui réagissent à ces antigènes. Ceux ayant du sang de type A portent des anticorps anti-B, par exemple. Ainsi, un individu « A » recevant une transfusion sanguine d’une personne « B » verra son système immunitaire considérer ce sang comme étranger.

De même, ceux avec du sang de type O portent à la fois des anticorps anti-A et anti-B dans leur plasma. Pour cette raison, les receveurs d’organes de type O ne peuvent être appariés qu’avec des donneurs de type O, qui ne portent ni les antigènes A ni B. D’un autre côté, parce qu’ils sont sans antigène, les organes de type O peuvent être greffés chez n’importe quel receveur.

Ainsi, ces organes étant très demandés, les personnes atteintes de sang de type O finissent par passer le plus de temps sur les listes d’attente. De fait, selon une étude publiée il y a trois ans, les patients du groupe sanguin O auraient un risque 20 % plus élevé de mourir en attendant une greffe de poumon que ceux des autres groupes sanguins.

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Crédits : Encyclopaedia Britannica

Organes universels

Pour tenter de remédier à cela, le Dr Marcelo Cypel, directeur chirurgical du Ajmera Transplant Centre, et professeur de chirurgie à l’Université de Toronto, s’est associé à Stephen Withers, de l’Université de la Colombie-Britannique, dans le but de développer des organes universels.

Le laboratoire de ce dernier avait travaillé en 2018 sur une méthode permettant d’éliminer les antigènes des globules rouges A, B et AB pour transformer les cellules en type O universel. L’équipe avait alors découvert un groupe d’enzymes dans l’intestin humain capable de le faire.

Dans le cadre de ces nouveaux travaux, les chercheurs ont appliqué deux enzymes, appelées FpGalNAc désacétylase et FpGalactosaminidase, aux poumons de donneurs ayant un sang de type A. Ces expériences ont été réalisées ex vivo (EVLP) dans une machine capable de maintenir les poumons en vie à l’extérieur du corps pendant plusieurs heures.

Les chercheurs ont alors souligné qu’en appliquant les enzymes pendant quatre heures, ces dernières pouvaient éliminer 97 % des antigènes A des poumons. Notez que les poumons peuvent généralement être conservés dans un appareil EVLP pendant quatre à cinq heures pour les transplantations pulmonaires. L’approche est donc applicable cliniquement.

Dans une autre expérience, l’équipe a traité les poumons droits de trois paires de type A avec les enzymes et laissé les côtés gauches non traités. Après quatre heures, elle a ensuite perfusé les organes avec du plasma de type O qui contient des anticorps anti-A et anti-B et a évalué le comportement des différents organes. Résultat : ceux traités avec l’enzyme fonctionnaient parfaitement bien tandis que les autres présentaient rapidement des signes de rejet hyperaigu (congestion massive des anticorps qui se fixent sur l’organe).

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Crédits : Pixabay

Vers des essais cliniques

Cette nouvelle étude suppose donc que nous pourrions un jour développer des organes « universels » capables de convenir à n’importe quel receveur, à condition bien sûr que la taille des organes soit appropriée. À terme, ce traitement pourrait être utilisé sur une variété d’autres organes transplantés, ainsi que sur le sang utilisé pour les transfusions.

La prochaine étape sera de mettre en place une étude clinique. Ces essais sur les patients humains devront démontrer que les enzymes utilisées pour éliminer les antigènes sanguins ne nuisent pas aux patients. Nous savons également qu’à un moment donné après la procédure de transplantation, les cellules des poumons traités recommenceront probablement à produire des antigènes sanguins, car l’organe produit de nouvelles cellules. Le système immunitaire attaquerait-il alors soudainement l’organe greffé ? Cette question fera également l’objet d’une étude.