Comment Google compte lutter contre la radicalisation djihadiste sur internet

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La question de la radicalisation djihadiste est complexe, et les processus pour s’orienter vers cette direction sont nombreux. L’un des plus évidents est la radicalisation par Internet, ainsi, une société rattachée à Alphabet (Google) travaille depuis plusieurs mois sur un programme de lutte contre la radicalisation en ligne.

Cela fait désormais un an que le think tank (laboratoire privé réunissant des experts) Jigsaw travaille à l’élaboration de ce programme de lutte contre la radicalisation par le biais d’Internet, lequel entrera prochainement dans une nouvelle phase. Cette société, anciennement Google Ideas, est directement rattachée à la multinationale Alphabet, et a pour mission de « créer des technologies pour protéger les populations vulnérables et combattre les menaces sécuritaires les plus sérieuses du monde« . Les experts membres de ce think tank, ingénieurs, scientifiques, chefs de produit… travaillent depuis 2010 à l’élaboration d’outils de lutte contre « les problèmes géopolitiques les plus coriaces » : une plate-forme de lutte contre l’extrémisme, un bouclier de protection contre le piratage, une carte des attaques informatiques…

Ici, le projet anti-radicalisation djihadiste a pour nom « Redirect Method » et a pour objectif de dissuader les internautes d’entrer dans un processus de radicalisation, en alliant algorithmes publicitaires de Google et l’immensité de la vidéothèque YouTube. En tout, ce sont plus de 1 700 mots-clés qui intègrent le programme, parmi les plus susceptibles d’être utilisés par les « aspirants » djihadistes, tels « Fatwa pour le djihad en Syrie » par exemple. S’il vient à effectuer ces requêtes à Google, l’internaute obtiendra alors comme résultat deux séries de vidéos en résultats sponsorisés. Ces contenus vidéos pourront être des témoignages d’anciens djihadistes aujourd’hui repentis ou encore des images peu reluisantes de la vie quotidienne au sein des territoires contrôlés par les groupes terroristes.

« Fondamentalement, Redirect Method est une campagne de publicité ciblée. Prenons ces individus qui sont vulnérables aux messages de recrutement de l’EI et montrons-leur plutôt des informations qui les réfutent » explique Yasmin Green, directrice de la recherche et du développement de Jigsaw, au magazine Wired. Il est à noter qu’un essai de deux mois a été réalisé au début de cette année, durant lequel 320 000 personnes ont été redirigées vers les contenus sponsorisés. Quelques-uns de ces programmes ont été visités trois à quatre fois plus souvent que ceux d’une campagne de publicité classique. Les personnes qui se sont laissées entraîner sont restées sur YouTube deux fois plus longtemps que l’internaute moyen.

Dans quelques jours, Redirect Method sera relancé en Amérique du Nord pour une seconde phase qui visera tant les apprentis djihadistes que les suprématistes blancs. Cela suffira-t-il à stopper un intérêt grandissant pour le terrorisme ? Probablement pas. « Les stratégies de contre-discours actuellement mises en œuvre (…) partent d’une croyance extrêmement naïve selon laquelle il suffirait de proposer des discours alternatifs pour que les individus abandonnent leurs croyances. Cette perspective voit les croyances en vase clos, alors qu’elles possèdent une dimension hautement sociale. En effet, si les individus croient, c’est aussi en raison de l’écosystème dans lequel ils sont insérés. Changer le message auquel ils sont exposés n’est pas suffisant, comme le démontrent les innombrables études dans le champ de la communication, du marketing politique et de la psychologie sociale » explique Benjamin Ducol, docteur en sciences politiques et chercheur associé de la chaire de recherche du Canada sur les conflits et le terrorisme.

Sources : Motherboard, RedirectMethod