Il y a quelques années Gloria Ramirez était surnommée « la Dame toxique » par les médias. Et pour cause, plusieurs membres du personnel médical sont tombés malades après avoir été exposés à son corps. Son cas reste l’un des plus mystérieux de ces dernières décennies.
Une soirée pas comme les autres
Nous sommes le 19 février 1994. Vers 20 h 15, Gloria Ramirez, 31 ans et mère de deux enfants, souffre des symptômes de son cancer du col utérin avancé. Elle est directement transportée aux urgences de Riverside, accueillie par personnel médical qui lui administre des sédatifs. Constatant que la patiente réagit mal (arrêt cardiaque), l’équipe tente alors une défibrillation.
Soudain, certains remarquent une odeur étrange, proche de celle de l’ail. Le corps de la patiente est également huileux. Une infirmière, Susan Kane, sent ensuite une odeur d’ammoniac alors qu’elle réalise une ponction veineuse. Puis elle remarque, à l’intérieur de la seringue, des particules de couleur marron flottant dans le sang. Nauséeuse, elle s’évanouit avant d’être évacuée. Elle sera bientôt rejointe par son interne Julie Gorchynski, et par Maureen Welsh, une thérapeute respiratoire.
Ce ne sont pas les seules. D’après l’édition du New York Times parue le lendemain, six membres du personnel de l’hôpital ont été hospitalisés après avoir souffert de spasmes musculaires et de convulsions. Discover Magazine rapportera plus tard, en 1995, que 23 des 37 membres du personnel des urgences avaient essuyé au moins un symptôme.
Dès lors, le personnel médical ordonne l’évacuation des patients des urgences sur le parking. Une poignée de médecins reste aux côtés de la patiente, espérant pouvoir la stabiliser. Gloria Ramirez décède finalement quelques minutes plus tard. Un rapport du coroner publié fin avril 1994 révélera qu’elle est décédée d’une insuffisance rénale causée par son cancer du col de l’utérus.
Entre-temps, Gloria Ramirez avait été surnommée la « Dame toxique » par les médias. Mais que s’est-il passé avec le personnel médical, au juste ?
L’heure des hypothèses
Peu après l’incident, les Docteures Maria Osorio et Kirsten Waller sont choisies pour enquêter. Elles questionnent les membres de l’hôpital ayant travaillé aux urgences le 19 février, et constatent que les gens qui ont développé les symptômes les plus graves sont ceux qui ont travaillé à moins d’un mètre de la patiente.
Les premiers rapports des médias suggèrent ensuite que les infirmières et les médecins ont été victimes de vapeurs nocives émises par le corps de Gloria Ramirez, évoquant notamment un empoisonnement aux organophosphorés. Il s’agit d’une classe de produits chimiques utilisés à la fois dans les pesticides et les armes chimiques. Plus tard, les autopsies du corps de la patiente et autres investigations à l’hôpital ne révèleront aucune présence d’organophosphorés.
Certains soupçonnent alors qu’il pourrait s’agir d’un cas inhabituel d’hystérie de masse, un phénomène dans lequel des groupes éprouvent des symptômes psychologiques ou physiques similaires en réponse à une menace, réelle ou non.
Julie Gorchynski, l’interne, rejette cette hypothèse, évoquant comme preuve son expérience médicale. Après avoir été exposée à la patiente, elle a en effet passé deux semaines en soins intensifs en raison de problèmes respiratoires, développant au passage une hépatite et une nécrose vasculaire au niveau de ses genoux.
Ne supportant pas ces accusations, elle contacte alors le Laboratoire national de Lawrence Livermore, qui proposera ensuite une autre explication.
Une terrible réaction en chaîne
D’après les chercheurs, Gloria Ramirez aurait utilisé du diméthylsulfoxyde (DMSO). Il s’agit d’un solvant parfois utilisé comme un « remède maison » contre la douleur. Les utilisateurs de cette substance rapportent qu’elle possède un goût d’ail. En outre, elle est vendue sous forme de gel, ce qui peut expliquer l’aspect graisseux du corps de la patiente.
D’après leur étude, le DMSO se serait accumulé dans son corps en raison du blocage urinaire provoqué par des dysfonctionnements rénaux. L’oxygène administré aux urgences aurait ensuite agi sur cette substance, la transformant en diméthylsulfone (DMSO2). Or, le DMSO2 a tendance se cristalliser à température ambiante. Ceci, notent les auteurs, pourrait expliquer les particules flottant dans le sang de la patiente à l’intérieur de la seringue.
Ensuite, les chocs électriques de la défibrillation auraient transformé le DMSO2 en sulfate de diméthyle (DMSO4). Toujours selon le rapport, publié en 1997, c’est donc ce gaz, très toxique, qui aurait provoqué les symptômes du personnel médical exposé. Pour l’heure, cette hypothèse est toujours acceptée par le corps médical en tant que « raison probable » des symptômes observés.
Les membres de la famille de Gloria Ramirez, eux, ont une autre opinion. L’ensemble inhabituel de circonstances entourant sa mort les ont en effet amenés à croire que le personnel médical avait commis une erreur, et qu’ils tentaient de rejeter le blâme sur la patiente.