La géo-ingénierie solaire permettra-t-elle de contenir la fonte du Groenland ?

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Crédits : Max Pixel.

En diminuant l’intensité du rayonnement solaire arrivant à la surface des glaces du Groenland, il serait possible de limiter sensiblement la fonte de ces dernières. Si l’idée porte à controverse, elle est pensée et étudiée de façon sérieuse au sein de la communauté scientifique, ainsi que le révèle une étude récemment parue dans la revue The Cryosphere.

277 milliards de tonnes. C’est la masse de glace que la calotte du Groenland a perdu chaque année, en moyenne sur la période 2002-2020. Or, cette perte s’accélère à mesure que le climat poursuit son réchauffement et son ampleur future dépendra fortement de notre capacité à réduire nos émissions de gaz à effet de serre (GES).

Perte cumulée de glace de la calotte groenlandaise (en milliards de tonnes) entre avril 2002 et avril 2021. Crédits : NASA.

Compenser la fonte du Groenland par une réduction du rayonnement solaire

Dans un contexte où espérer limiter de façon rapide nos émissions semble excessivement ambitieux, certains imaginent contenir la perte de masse du Groenland grâce à la géo-ingénierie solaire. Plus précisément, en injectant de petites particules réfléchissantes dans la stratosphère, il est possible de diminuer l’intensité du rayonnement solaire arrivant sur l’inlandsis. Avec moins d’énergie disponible, la fonte de surface, qui contribue pour environ 60 % à la perte de masse observée, se trouverait ainsi atténuée.

Cependant, peu de travaux ont évalué de façon concrète les impacts potentiels associés à une intervention de ce type. C’est désormais chose faite. Dans une étude parue le 30 juin dernier, des chercheurs ont quantifié l’efficacité d’une telle opération en utilisant un ensemble de simulations numériques effectuées à l’aide du modèle atmosphérique régional (MAR) développé par l’Université de Liège (Belgique).

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Courbes pleines : évolution simulée du bilan massique à la surface du Groenland entre 1980 et 2100 selon différents scénarios. En rouge, avec un réchauffement climatique non contrôlé. En vert, avec le recours unique à la géo-ingénierie solaire. Enfin, en bleu, avec des efforts de limitations modérés visant à limiter les rejets de GES. On note une nette similitude entre la courbe verte et bleue. Des valeurs négatives indiquent une perte de masse. Courbes tiretées : évolutions du ruissellement, avec le même code couleurs. Des valeurs positives indiquent une perte de masse. Crédits : Xavier Fettweis & coll. 2021.

Une technique efficace, mais loin d’être suffisante

« Nous avons utilisé un scénario plausible de géo-ingénierie solaire qui réduirait le réchauffement climatique d’un facteur 2 à l’échelle mondiale par rapport au scénario le plus pessimiste, dans lequel rien ne serait fait sur le climat », détaille Xavier Fettweis, auteur principal du papier. « Nous montrons que la réduction du rayonnement solaire associée à ce scénario permettrait de réduire de 6 % la fonte à la surface de la calotte glaciaire du Groenland, en plus de la réduction globale du réchauffement climatique ».

Autrement dit, si rien n’est fait pour contenir les rejets de gaz à effet de serre, un scénario de géo-ingénierie réaliste pourrait maintenir la perte de masse du Groenland sur une trajectoire similaire à celle d’un scénario d’atténuation modéré. Toutefois, en l’absence de diminution des GES, il ne serait pas possible de réellement stabiliser la calotte, à moins de recourir à des injections de particules plus importantes, mais aussi plus risquées.

« Seuls les scénarios de géo-ingénierie solaire beaucoup plus ambitieux, mais devenant irréalistes et dangereux permettraient de sauver la calotte », avertit à ce titre Xavier Fettweis. « On parle ici d’intervention humaine et intentionnelle sur le climat : un plan B qui ne l’est pas. Il est donc urgent de réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre par des moyens que nous connaissons bien, mais que nous avons encore du mal à mettre en œuvre ».