En Angleterre, une analyse de sédiments récente a permis de réduire les incertitudes quant aux origines du Géant de Cerne Abbas. La célèbre figure sculptée dans la craie remonte à la fin de la période saxonne.
Le Géant de Cerne Abbas est la représentation d’une silhouette masculine creusée dans une colline près du village de Cerne Abbas, dans le Dorset (Angleterre). Tracé par une tranchée d’environ 30 cm de large sur 30 cm de profondeur dans la prairie d’une colline, le géoglyphe mesure 55 m de haut sur 51 m de large. L’homme tient dans la main droite une massue bosselée. Il est visible nu et présente un phallus en érection. Enfin, les contours de cette figure sont remplis craie broyée, empêchant l’herbe de repousser.
Véritable attraction touristique dans la région, le Géant de Cerne Abbas a longtemps interrogé les archéologues. Quand et pourquoi ce géoglyphe a-t-il été créé ? Si la seconde question n’a pour le moment aucune réponse précise, une nouvelle analyse d’échantillons de sédiments récente nous permet en revanche de répondre à la première.
L’appui des escargots
Il y a plusieurs mois, le National Trust avait annoncé la découverte de restes d’escargots microscopiques dans ces échantillons. Or, nous savons que les espèces en question ont été introduites dans la région au cours de la période médiévale.
« Ces escargots sont arrivés accidentellement en Grande-Bretagne au cours du 13e-14e siècle, sans doute dans de la paille ou du foin utilisé pour emballer les marchandises en provenance du continent« , souligne en effet le géoarchéologue Mike Allen, l’un des auteurs de cette étude. « Certaines espèces d’escargots vivent en effet dans des bois sombres, d’autres dans les herbes hautes, des herbes pâturées ou certaines dans les sols labourés… Leur analyse est un excellent moyen de comprendre l’histoire de l’évolution de l’utilisation des terres sur les sites archéologiques« .
Pour ces travaux, l’équipe s’est ensuite appuyée sur une technique connue sous le nom de luminescence optiquement stimulée. Celle-ci consiste à soumettre les échantillons à une lumière laser qui libère des particules piégées. Les chercheurs peuvent ensuite déterminer à quel moment ces grains individuels ont été exposés pour la dernière fois à la lumière du Soleil.

Une origine médiévale
Les échantillons les plus profonds, prélevés sur les coudes et les pieds du géant, ont probablement été manipulés pour la première fois par les Saxons entre l’an 700 et 1100 de notre ère, ce qui n’a pas manqué de surprendre les chercheurs.
« Ce n’est pas ce à quoi on s’attendait« , a déclaré Mike Allen. « De nombreux archéologues et historiens pensaient qu’il était préhistorique ou post-médiéval, mais pas médiéval. Tout le monde avait tort, et cela rend ces résultats encore plus excitants« .
Martin Papworth, archéologue en chef du National Trust, qui travaille à la conservation du patrimoine anglais, gallois et nord-irlandais, s’est également dit « sidéré » par les résultats. Ce dernier tablait sur une origine datant du 17e siècle.
Et pour cause, la première référence écrite connue au géant de Cerne apparaît dans le compte rendu d’un gardien de 1694 de l’église Sainte-Marie de Cerne Abbas, enregistrant trois shillings pour entretenir la figure. Des références ont également été enregistrées dans une lettre de 1734 de l’évêque de Bristol et dans une lettre de 1738 de l’antiquaire Francis Wise. La première étude mentionnant le géant a ensuite été publiée en 1763. Elle comprenait quelques mesures du géoglyphe. Par la suite, la mention du géant devint beaucoup plus courante dans les archives historiques.
Cependant, il est possible que les gens aient travaillé cette figure sur une très longue période de temps. L’analyse de certains échantillons indique en effet une origine ultérieure (environ 1560). Un scan LIDAR effectué l’année dernière a également révélé que l’impressionnant phallus en érection avait été ajouté encore plus tard, peut-être à la fin du 17e siècle.