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Ganymède peut-elle abriter la vie ?

JUICE Jupiter
Jupiter et sa plus grande lune, Ganymède. Crédit : ManuelMata

La mission JUICE de l’Agence spatiale européenne sera lancée le mois prochain dans le but de survoler Jupiter et plusieurs de ses lunes glacées, dont Ganymède, la plus grande du système solaire. À l’intérieur de cet objet se cache un océan gigantesque susceptible d’abriter la vie telle que nous la connaissons.

Océans souterrains

Il y a encore quelques décennies, si vous interrogiez un astronome sur l’endroit le plus susceptible d’abriter une vie extraterrestre, la réponse aurait été Mars. La planète a captivé l’imagination pendant des siècles et fascine toujours autant aujourd’hui, mais elle n’est plus la seule. De plus en plus de chercheurs sont en effet attirés par les mondes plus lointains du système solaire. Parmi les cibles privilégiées figurent notamment les lunes glacées de Jupiter pour une raison bien précise.

Dans les années 90, le vaisseau Galileo s’était d’abord approché d’Europe. Les lectures de son magnétomètre suggéraient alors que quelque chose à l’intérieur de la lune interférait avec le puissant champ magnétique généré par Jupiter. Pour en savoir davantage, les responsables de mission avaient alors persuadé la Nasa de prolonger les investigations.

Finalement, après une douzaine de survols rapprochés, nous avions enfin la réponse : sous la surface d’Europe se trouvait un océan. Les courants dans cette eau généraient leurs propres petits champs magnétiques qui interféraient avec ceux de Jupiter, produisant des lectures inattendues.

La plus grande surprise a été la quantité d’eau dont les théoriciens avaient besoin pour expliquer les signaux : plus du double de la quantité d’eau trouvée dans tous les océans de la Terre. Étant donné qu’Europe ne fait qu’un quart du diamètre de la Terre, l’eau doit être répartie autour de la lune dans un océan mondial de plusieurs dizaines de kilomètres de profondeur niché sous une croûte de glace d’environ vingt kilomètres d’épaisseur.

Et il n’y a pas qu’Europe. Jupiter possède en effet trois autres grandes lunes. Les données de Galileo ont également suggéré que Ganymède, et peut-être même Callisto, ont également des océans intérieurs. Autour de Saturne, la mission Cassini a révélé quelque chose de similaire pour les lunes Encelade et Titan.

La mission JUICE

Sur Terre, l’eau est la première condition préalable à la vie. La question est : ces lunes glacées pourraient-elles aussi être habitables ? Pour le savoir, l’ESA lancera une mission baptisée JUICE (Jupiter Icy Moons Explorer). La sonde est arrivée en Guyane française où elle subit les derniers tests avant d’intégrer son lanceur : la fusée Ariane 5.

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JUICE dans son usine de Toulouse. Crédits : Lionel Bonaventure

Au cours sa mission, JUICE visitera Europe et Callisto, mais sa cible principale sera Ganymède, un monde encore plus mystérieux qu’Europe. Il est possible que son océan comprenne beaucoup plus d’eau nichée plus profondément sous la surface.

Notez que Ganymède est la seule lune du système solaire qui génère son propre champ magnétique, ce qui rend naturellement cet objet fascinant. Toutefois, cela compliquera considérablement la tâche des chercheurs qui devront démêler les interférences magnétiques fournissant des données sur les caractéristiques de l’océan, telles que la profondeur, l’étendue et même la salinité.

Plus le vaisseau pourra se rapprocher de Ganymède, plus ces signaux insaisissables deviendront forts, et donc plus le travail sera facile. À ce titre, il est prévu que JUICE entre en orbite autour de Ganymède dès 2034.

Si tout se passe comme prévu, la sonde orbitera à une altitude de 500 kilomètres environ pendant au moins un an. Il sera également possible de prolonger la mission et de rapprocher le vaisseau encore davantage de la surface, de quoi faciliter l’interprétation des données. Cependant, l’exécutabilité de ces manœuvres dépendra des restes de carburant.

Une fois ses réserves épuisées, il est prévu de crasher la sonde en surface. Cependant, ce plan pourrait évoluer si les analyses changeaient notre point de vue sur le potentiel de vie porté par Ganymède.

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Vue d’artiste de la fusée Ariane 5. Crédits : ESA

La NASA concentrée sur Europe

Au-delà de déterminer ce potentiel de vie autour de Jupiter, cette mission aidera également à évaluer l’habitabilité de la galaxie au sens large. Sur les plus de 5 300 exoplanètes connues aujourd’hui, environ 1 600 appartiennent à une nouvelle classe de planètes totalement absente de notre propre système solaire. Or, on pense que ces « super-terres », qui ont entre deux et quinze fois la masse de la Terre, pourraient avoir des intérieurs similaires aux lunes de Jupiter et de Saturne.

Notez enfin que JUICE était à l’origine envisagé comme une mission conjointe avec la Nasa. Peu de temps après la fin de la mission Galileo en 2003, des scientifiques américains et européens avaient en effet commencé à travailler sur une mission de suivi pour explorer encore davantage le système jovien. Nommée Laplace, la mission avait finalement été annulée pour des raisons politiques.

Depuis, l’agence américaine travaille sur sa propre mission nommée Europa Clipper qui, comme son nom l’indique, se concentrera sur Europe. Son lancement est prévu l’année prochaine, mais la sonde arrivera sur place en 2030, soit environ un an avant JUICE.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.