Des astronomes ont récemment identifié un phénomène fascinant et extrêmement rare : un groupe de cinq galaxies naines situées à environ 117 millions d’années-lumière de la Terre et parfaitement alignées dans le ciel. Cette disposition étonnante, qui évoque un collier de perles cosmique, soulève des questions sur la formation et l’évolution de ces structures galactiques. Plus qu’une curiosité visuelle, cette découverte pourrait en outre remettre en question certains aspects de notre compréhension de l’évolution de l’Univers.
Une intense activité stellaire
Contrairement aux grandes galaxies comme la Voie lactée qui abritent des centaines de milliards d’étoiles, les galaxies naines sont des structures bien plus modestes, tant en taille qu’en luminosité. Ces petits objets se distinguent par leur masse qui peut varier de quelques millions à quelques milliards de masses solaires, une fraction minime par rapport aux géants galactiques. En général, les galaxies naines possèdent également une faible population stellaire, ce qui les rend plus difficiles à détecter dans les vastes étendues de l’Univers. Toutefois, leur richesse en gaz, souvent supérieure à celle de leur contenu stellaire, en fait des terrains fertiles pour la formation d’étoiles.
Le groupe nouvellement découvert, désigné par les codes D1 à D5, défie les attentes. Malgré leur taille réduite, ces galaxies affichent une activité stellaire intense. Autrement dit, elles forment activement de nouvelles étoiles, un phénomène inhabituel pour cette catégorie d’objets. Les galaxies naines sont en effet généralement perçues comme des environnements tranquilles où l’activité de formation d’étoiles tend à être sporadique ou limitée. Ici, les astronomes ont cependant identifié un contraste saisissant : ces petites galaxies rivalisent en éclat avec les plus grandes, alimentées par des réserves abondantes de gaz interstellaire.
Un alignement rarissime et mystérieux
L’une des caractéristiques les plus intrigantes de ce groupe galactique est son alignement. Les cinq galaxies semblent s’étendre le long d’une ligne presque droite dans le ciel, un phénomène rarissime. Selon Cristiano G. Sabiu, astronome à l’Université de Séoul et chef de l’équipe qui a réalisé cette découverte, la probabilité qu’un tel regroupement se produise est extrêmement faible : moins de 0,004 %. Cet alignement soulève une question essentielle : s’agit-il d’une simple coïncidence cosmique ou d’un lien plus profond entre ces galaxies ?
L’un des aspects les plus frappants de ce système est également la synchronisation partielle des mouvements des galaxies. Trois d’entre elles (D1, D2 et D5) partagent la même direction de rotation, ce qui crée une impression de danse cosmique. Ces mouvements coordonnés suggèrent une origine commune ou une influence gravitationnelle exercée par leur environnement. Cette dynamique complexe pourrait également fournir des indices cruciaux sur la manière dont ces galaxies ont évolué et interagi au fil du temps.
Des interactions gravitationnelles et un tiraillement cosmique
Au-delà de leur alignement, ces galaxies naines interagissent aussi gravitationnellement, une caractéristique encore plus rare pour des galaxies de cette taille. Habituellement, les galaxies naines sont effectivement relativement solitaires et moins de 5 % d’entre elles possèdent des compagnons proches. Dans le cas présent, deux des galaxies (D3 et D4) semblent engagées dans une véritable compétition gravitationnelle où elles échangent du gaz et des étoiles à travers des phénomènes connus sous le nom de queues de marée. Ces interactions perturbent leur structure et déclenchent souvent des flambées de formation stellaire.
Ces dynamiques complexes posent de nouvelles questions sur la manière dont les galaxies naines interagissent et évoluent lorsqu’elles sont regroupées. Elles pourraient également fournir des indices sur les premières phases de formation des galaxies dans l’Univers primitif, lorsque des structures similaires étaient plus fréquentes.

Une découverte rendue possible par la technologie
La mise en évidence de ce groupe de galaxies n’aurait pas été possible sans les avancées technologiques des dernières décennies. L’équipe de Sabiu a utilisé les données du Sloan Digital Sky Survey (SDSS), un projet ambitieux qui a cartographié un quart du ciel terrestre avec une précision remarquable. Les télescopes Magellan et le Very Large Telescope (VLT) au Chili, ainsi que l’observatoire spatial Chandra, ont également joué un rôle clé dans cette découverte.
Ces instruments ont permis de mesurer les propriétés des galaxies, notamment leur masse, leur luminosité et leurs mouvements. Grâce à ces observations, les chercheurs ont pu déterminer que la masse totale de ces cinq galaxies naines était d’environ 60,2 milliards de masses solaires. À titre de comparaison, la Voie lactée, notre propre galaxie, a une masse estimée à environ 1,5 billion de masses solaires.
Un défi pour la cosmologie standard
La découverte de ce groupe de galaxies remet donc en question certains aspects du modèle cosmologique standard, connu sous le nom de Lambda Cold Dark Matter (LCDM). Ce modèle, qui repose sur la présence de matière noire froide et d’une énergie noire responsable de l’expansion de l’univers, prédit bien la formation de grandes structures galactiques. Cependant, il peine à expliquer la présence de petits groupes alignés de galaxies dans des environnements isolés. Selon Sabiu, cet arrangement inhabituel pourrait indiquer que des mécanismes encore inconnus sont à l’œuvre dans la formation de ces groupes.
Les détails de l’étude sont publiés dans The Astrophysical Journal Letters.
