Françoise Barré-Sinoussi (1947 -) : découvreuse du rétrovirus à l’origine du SIDA !

Françoise Barré-Sinoussi
Crédits : VIH.org

Aujourd’hui présidente du Comité analyse recherche et expertise (CARE) dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19 en France, Françoise Barré-Sinoussi a très activement participé à l’identification du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) dans les années 1980. Elle a obtenu le prix Nobel de médecine en 2008, en compagnie du biologiste et virologue Luc Montagnier.

Études et premiers travaux

Françoise Barré-Sinoussi est une chercheuse virologue française née le 30 juillet 1947 à Paris. Elle obtient son baccalauréat en 1966 puis débute des études de biologie à la faculté des sciences de l’Université de Paris. Elle y obtiendra le diplôme universitaire d’études scientifiques de chimie-biologie (1968), une maîtrise en biochimie (1971) et enfin, le diplôme d’études approfondies (1972). Ensuite, elle intègre le groupe de Jean-Claude Chermann à l’Institut Pasteur, plus précisément l’Unité d’oncologie virale de Luc Montagnier, autre virologue de renom. Elle y étudie les relations entre rétrovirus et cancers chez la souris et obtient le doctorat d’État en 1974. Son sujet de thèse portait sur la molécule de synthèse HPA23, capable d’inhiber chez la souris l’activité de la reverse transcriptase du virus de Friend. Rappelons au passageque ce virus est responsable de leucémies chez cet animal.

Après avoir travaillé une année en tant qu’attachée de recherche aux États-Unis, Françoise Barré-Sinoussi intégrera l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Elle y occupera les fonctions d’attachée de recherche entre 1975 et 1980, de chargée de recherche entre 1980 et 1986 et de directrice de recherche à partir de 1986. En 1988, elle prendra également la tête d’une unité de recherche au sein du laboratoire de Jean-Claude Chermann.

Françoise Barré-Sinoussi
Françoise Barré-Sinoussi dans les années 1980.
Crédits : The Nobel Prize

Identification du rétrovirus responsable du SIDA

En janvier 1983, le médecin Willy Rozenbaum envoie à l’Institut Pasteur la première biopsie ganglionnaire d’un patient atteint de lymphadénopathie généralisée. Il s’agit là d’un stade que l’on pourrait qualifier de « pré-SIDA », c’est-à-dire le stade précédant l’apparition d’une immunodéficience profonde. Le ganglion est alors confié à Luc Montagnier et Françoise Barré-Sinoussi. Ensemble, ils analysent l’activité rétrotranscriptase du surnageant des cultures durant trois semaines. L’objectif ? Déterminer l’éventuelle présence d’un rétrovirus.

Les chercheurs détectent effectivement une telle activité, mais celle-ci s’associe systématiquement à une mort cellulaire. Il s’agit là d’un phénomène conduisant ces derniers à avoir recours aux services du centre de transfusion sanguine de l’Institut Pasteur. Le but était de récupérer des globules blancs de donneurs, les placer en culture et y injecter le surnageant des cultures. Finalement, les chercheurs détectent à nouveau l’activité enzymatique rétrovirale, ce qui permet d’établir l’effet cytopathogène du virus sur les lymphocytes CD4.

En mai 1983, Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier publient un article dans la revue Science dans lequel ils annoncent un nouveau rétrovirus qu’ils nommeront Lympho-adenopathy Associated Virus (LAV). Ce dernier sera ensuite rebaptisé VIH-1 pour virus de l’immunodéficience humaine.

Prix Nobel et poursuite des travaux sur le VIH

Durant les années suivantes, il y aura un débat très important sur les mérites de la découverte du VIH, entre l’Institut Pasteur et le groupe du virologue étasunien Robert Gallo. Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier devront attendre 25 ans avant d’obtenir la consécration ultime. Ensemble, ils se voient en effet décerner le prix Nobel de médecine pour leur découverte en 2008. Évidemment, les partisans de Robert Gallo ne manqueront pas de critiquer le comité à l’origine de la décision. Évoquons au passage le fait que ce même prix Nobel de médecine 2008 a également été décerné au virologue allemand Harald zur Hausen, pour la découverte du papillomavirus humain, responsable du cancer du col de l’utérus.

En 1988, Françoise Barré-Sinoussi prend la tête du Laboratoire de biologie des rétrovirus de l’Institut Pasteur. Elle y mettra en place différents programmes de recherche sur les déterminants viraux et les hôtes de la pathogenèse du VIH. Durant une dizaine d’années, l’intéressée participe à des programmes collectifs sur la recherche d’un vaccin contre ce virus. Françoise Barré-Sinoussi prendra également la direction l’Unité de régulation des rétrovirus (1992) et l’Unité de régulation des infections rétrovirales (2005), toujours au sein de l’Institut Pasteur.

Françoise Barré-Sinoussi prix nobel 2008
Françoise Barré-Sinoussi a reçu le prix Nobel de médecine en 2008, soit un quart de siècle après la découverte du rétrovirus responsable du SIDA.
Crédits : Institut Pasteur

Présidente du Sidaction

En 2008, Françoise Barré-Sinoussi ré-oriente ses recherches régulations congénitales des infections par le VIH. L’objectif ? Déterminer les mécanismes de protection contre l’infection, en particulier au niveau de l’immunité innée. Deux années plus tard, elle devient membre du récent Conseil stratégique de la recherche. Plusieurs fois marraine des promotions de médecine des facultés de médecine des universités de Tours et de Nancy, Françoise Barré-Sinoussi est logiquement nommée présidente du Sidaction en 2017.

« L’isolement du virus VIH-1 en 1983 a été une découverte fondamentale, le point de départ d’intenses recherches internationales pour lutter contre l’infection. Elle a notamment permis très rapidement de mettre au point des tests de diagnostic de l’infection VIH. En soutenant de telles inventions, utiles aux patients, l’Institut rend hommage à la vision globale de Louis Pasteur, toujours d’actualité : une recherche scientifique multidisciplinaire au bénéfice de la santé humaine » déclarait Françoise Barré-Sinoussi, dans un communiqué de l’Institut Pasteur en 2018.

Lutte contre la pandémie de Covid-19

En pleine crise pandémique en lien avec le coronavirus SARS-CoV-2, le gouvernement français installe le Comité analyse, recherche et expertise (CARE) le 24 mars 2020. En son sein, nous retrouvons la présidente Françoise Barré-Sinoussi ainsi qu’une douzaine d’autres chercheurs et médecins. L’objectif est de conseiller le gouvernement sur les traitements et les tests contre le SARS-CoV-2. Il s’agit également de faire appel à la communauté scientifique afin de formuler des propositions sur des thématiques définies par le Ministère des Solidarités et de la Santé et le Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.

Françoise Barré-Sinoussi prendra notamment position sur l’hydroxychloroquine afin de ne pas donner de faux espoirs à la population. Par ailleurs, l’intéressée préconisera la limitation du nombre d’études sur la Covid-19 et le regroupement de celles ayant des protocoles d’essai thérapeutique similaires. Il s’agissait logiquement de mieux coordonner la recherche sur le coronavirus. Par ailleurs, Françoise Barré-Sinoussi fut une des premières à s’inquiéter du relâchement général des comportements dans la lutte contre le coronavirus, et ce au lendemain du premier confinement.