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Reconstruction artistique de Beorn leggi (en haut) et d'Aerobius dactylus (en bas) dans un environnement de fossilisation hypothétique. Crédits : Franz Anthony.

Des fossiles du Crétacé jettent un nouvel éclairage sur l’origine des tardigrades

L’univers des tardigrades, ces minuscules créatures aux capacités surprenantes, s’enrichit considérablement grâce à une découverte paléontologique récente. Grâce à l’étude de fossiles d’ambre du Crétacé, des scientifiques ont en effet non seulement décrit une nouvelle espèce, mais également apporté des éclaircissements sur l’évolution de ces organismes fascinants.

Un regard dans le passé grâce à l’ambre du Crétacé

Les tardigrades ont été découverts pour la première fois en 1773, mais leur histoire évolutive reste en grande partie un mystère en raison du manque de fossiles. Cependant, une étude récente qui porte sur un échantillon précieux d’ambre canadien datant du Crétacé, une période qui a vu les dinosaures dominer la Terre, change la donne.

L’ambre, une résine fossilisée, est en effet un excellent conservateur de petits organismes. L’échantillon, examiné par des chercheurs de l’Université de Harvard, contenait ainsi plusieurs spécimens remarquablement bien conservés. En utilisant la microscopie laser confocale, les scientifiques ont alors pu examiner ces créatures avec un niveau de détail sans précédent, révélant des caractéristiques morphologiques cruciales qui aident à retracer leur évolution.

L’étude a permis d’identifier et de décrire deux espèces distinctes de tardigrades dans l’ambre du Crétacé. La première espèce, Beorn leggi, est une espèce déjà connue, mais la recherche a permis de préciser sa position taxonomique dans l’arbre généalogique des tardigrades. Les chercheurs ont notamment observé sept griffes bien préservées avec des variations de taille entre les griffes proches du corps et celles éloignées, un modèle qui persiste chez les tardigrades modernes.

La seconde espèce, nommée Aerobius dactylus, est cependant nouvelle pour la science. L’animal présente des griffes de taille similaire sur les trois premières paires de pattes, mais des griffes extérieures plus longues sur la quatrième paire. Cette découverte offre donc un aperçu précieux sur la diversité des tardigrades au Crétacé et contribue à la compréhension de leur adaptation morphologique au cours du temps.

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Aerobius dactylus. Crédits : Mapalo et coll.

Des implications évolutives : des éclairages sur la résilience des tardigrades

Ces découvertes fournissent également des informations essentielles pour l’analyse de l’horloge moléculaire, une méthode utilisée pour estimer le moment où des groupes d’organismes ont divergé les uns des autres au cours de l’évolution. Cette méthode repose principalement sur l’étude des mutations génétiques qui s’accumulent à un rythme relativement constant dans le temps. En examinant les différences génétiques entre les espèces modernes et leurs ancêtres fossiles, les scientifiques peuvent estimer depuis combien de temps ces espèces ont évolué séparément.

Les résultats de cette étude suggèrent que les ancêtres des tardigrades modernes ont probablement divergé des autres groupes d’arthropodes il y a environ 500 millions d’années, pendant la période cambrienne. Cette divergence précoce indique que les tardigrades possédaient déjà des caractéristiques spécifiques à cette époque qui leur ont permis de s’adapter et de survivre dans des environnements extrêmes. En d’autres termes, les tardigrades modernes sont les descendants d’une lignée ancienne qui a développé des adaptations cruciales très tôt dans l’histoire de la vie sur Terre.

L’étude révèle également des informations fascinantes sur l’origine de la capacité des tardigrades à entrer dans un état de stase, un mécanisme de survie remarquable qui leur permet de résister à des conditions extrêmes, telles que des températures extrêmement basses ou élevées, le vide spatial et des niveaux de radiation intenses. Les chercheurs estiment que cette capacité de stase a probablement évolué durant le Paléozoïque moyen ou tardif, il y a environ 300 à 400 millions d’années. Cette adaptation aurait été particulièrement importante pour survivre à des périodes de conditions environnementales sévères, comme l’extinction massive de la fin du Permien, l’une des plus grandes extinctions de l’histoire de la Terre.

Les résultats sont publiés dans la revue Communications Biology.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.