En Russie, nous avons largement sous-estimĂ© l’importance des forĂȘts

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Crédits : Natalia_Kollegova/pixabay

De nouvelles estimations plus prĂ©cises de la biomasse forestiĂšre contenue en Russie, appuyĂ©es par des donnĂ©es satellites, suggĂšrent que les arbres sont plus nombreux et stockent plus de carbone qu’on ne le pensait.

Depuis l’effondrement de l’URSS et le dĂ©clin du systĂšme soviĂ©tique d’inventaire et de planification de ses forĂȘts, la Russie – qui abrite plus d’un cinquiĂšme des arbres du monde – n’a signalĂ© quasiment aucune Ă©volution de sa quantitĂ© de biomasse forestiĂšre. Et pour cause, la fiabilitĂ© des informations recueillies sur les forĂȘts russes s’est grandement dĂ©tĂ©riorĂ©e. En outre, la Russie est un pays immense, ce qui complique vĂ©ritablement les Ă©tudes au sol.

À la fin des annĂ©es 80, le volume de « stock sur pieds » de ces forĂȘts Ă©tait ainsi de 81,7 × 10^9 min 3 s. Et depuis, cette valeur est utilisĂ©e comme rĂ©fĂ©rence pour quantifier les variations des stocks de biomasse en Russie. Mais peut-on rĂ©ellement s’appuyer sur ces estimations ?

Dans le cadre d’une rĂ©cente Ă©tude, des chercheurs se sont appuyĂ©s sur des cartes satellitaires de la biomasse forestiĂšre produites par le projet Biomasse de l’Initiative sur le changement climatique (CCI) de l’ESA. CombinĂ©es Ă  des mesures au sol russes, elles ont permis d’obtenir des chiffres plus prĂ©cis du carbone stockĂ© dans ces forĂȘts.

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Vue aĂ©rienne sur la biomasse en Russie estimĂ©e par le projet Biomasse de l’Initiative sur le changement climatique (CCI) de l’ESA. CrĂ©dits : ESA.

Plus de couverture, plus de carbone stocké

D’aprĂšs ces travaux, publiĂ©s dans Scientific Reports, les forĂȘts russes abritaient 111 milliards de mĂštres cubes de bois en 2014, ce qui Ă©quivaut Ă  39 % de plus que la valeur dĂ©clarĂ©e officiellement. « La combinaison de donnĂ©es terrestres et spatiales nous a permis de fournir les rĂ©sultats pour des annĂ©es spĂ©cifiques avec une rĂ©solution spatiale plus Ă©levĂ©e et de rĂ©duire les incertitudes des estimations », explique l’auteur principal de l’étude, Dmitry Schepaschenko, chercheur Ă  l’Institut international d’analyse des systĂšmes appliquĂ©s en Autriche (IIASA).

Toujours d’aprĂšs cette Ă©tude, les forĂȘts russes auraient Ă©galement accumulĂ© un milliard de mĂštres cubes de bois par an entre 1988 et 2014, ce qui compense les pertes nettes de stocks forestiers signalĂ©es dans les pays tropicaux. Enfin, l’équipe a constatĂ© que le carbone sĂ©questrĂ© au cours de la mĂȘme pĂ©riode Ă©tait 47 % plus Ă©levĂ© que celui rapportĂ© dans l’inventaire national des gaz Ă  effet de serre de la CCNUCC de la Russie.

Sur le papier, ces nouvelles estimations placent le couverte forestier de la Russie comme un allié plus puissant que prévu dans la lutte contre le changement climatique. Néanmoins, cela pourrait ne pas durer dans le temps.

Si nous avons constatĂ© que les forĂȘts russes ont constituĂ© un stock de carbone plus important qu’on ne le pensait auparavant, la situation semble en effet Ă©voluer depuis 2014 « en raison de la gravitĂ© croissante des perturbations forestiĂšres », souligne Schepaschenko. Le chercheur fait ici principalement rĂ©fĂ©rence aux incendies de forĂȘt qui sĂ©vissent dĂ©sormais rĂ©guliĂšrement en SibĂ©rie durant la pĂ©riode estivale.