Fonte des calottes polaires : un bouleversement du climat mondial à attendre

calotte polaire groenland 2
Crédits : capture vidéo / NASA Goddard's Scientific Visualization Studio.

Alors que le climat se réchauffe, les calottes polaires voient leur perte de masse s’accélérer. Les conséquences environnementales de cette évolution sont multiples. Pourtant, les modélisations sur lesquelles se basent les décideurs politiques ne tiennent pas explicitement compte des interactions climat-calotte. Or, il s’avère qu’inclure le couplage entre les inlandsis et le climat global change sensiblement la donne. C’est en tout cas ce que rapporte une étude publiée ce 6 février. La probabilité d’événements météorologiques extrêmes est par exemple plus élevée.

Les pertes de masse glaciaire de l’inlandsis du Groenland, de l’Antarctique et des glaciers de montagnes se sont accélérées durant les dernières décennies. Cette accélération est pilotée par l’augmentation rapide des températures atmosphériques et océaniques suite aux rejets croissants de gaz à effet de serre par les activités humaines.

La masse grandissante d’eau qui se voit transférée vers l’océan participe à la montée du niveau de la mer. Le plus gros potentiel d’élévation étant d’ailleurs attribué aux inlandsis susmentionnés. Ce sont eux qui devraient devenir les contributeurs majeurs dans les prochaines décennies.

Qui plus est, la fonte partielle des calottes polaires a des impacts sur de nombreux autres aspects du système climatique. On peut mentionner la circulation de l’atmosphère et de l’océan, ou encore la stratification thermique de ce dernier. Les perturbations induites peuvent ensuite rétroagir sur les calottes, en augmentant par exemple le taux de fonte. Un cercle vicieux.

Crédits : NASA – Nathan Kurtz

Pourtant, les projections effectuées dans le cadre du cinquième exercice d’inter-comparaison des modèles couplés (CMIP-5) – utilisées pour éclairer les décideurs politiques – ne tiennent pas explicitement compte des interactions entre le climat et les calottes*. Les interactions et rétroactions entre la glace, l’océan et l’atmosphère ne sont donc pas convenablement représentées.

L’importance de la prise en compte des calottes polaires

Une étude publiée le 6 février 2019 dans la revue Nature présente ce qu’il se passe lorsque le couplage dynamique est pris en compte. Une représentation numérique à haute résolution des deux calottes a été incluse dans un modèle global simulant un réchauffement planétaire marqué. C’est une première en la matière. Les auteurs ont également produit une simulation de contrôle identique mais non couplée pour permettre une comparaison.

On apprend que le réchauffement en 2100 est atténué lorsque les calottes sont couplées au modèle global. À l’échelle planétaire, la différence avec la simulation de contrôle reste relativement faible (environ -0,3 °C). Mais aux moyennes et hautes latitudes de l’hémisphère sud, elle devient importante (de -2 °C à localement -4 °C). Cette limitation de la hausse des températures atmosphériques pourrait jouer le rôle de rétroaction négative pour la calotte antarctique et tempérer sa fonte.

On observe la même structure pour la température de surface de la mer, avec des anomalies toutefois moins marquées. Par contre, à quelques centaines de mètres sous la surface océanique, le réchauffement est plus important. En effet, le rejet d’eau de fonte stratifie l’océan et diminue le mélange vertical. La chaleur est alors piégée sous la surface. Nous sommes cette fois en présence d’une rétroaction positive, car elle stimule la fonte basale des plateformes. À terme, cela accélère l’écoulement des glaces continentales vers l’océan.

calotte polaire
Crédits : Calyponte / Wikimedia Commons.

Une nécessité pour des projections climatiques plus réalistes

Quid de la circulation océanique ? Sans surprise, cette dernière est sensiblement ralentie dans le secteur atlantique. De ce fait, le transport de chaleur vers le nord est moins efficace. En conséquence, le réchauffement dans le nord-ouest de l’Europe est affaibli, mais il est renforcé sur le centre et l’est de l’Amérique du Nord et dans les tropiques. Une empreinte robuste déjà relevée par de précédentes études. Une redistribution des contrastes thermiques dont les conséquences sont encore assez mal connues.

Les chercheurs ont également mis en évidence que le couplage avec les calottes conduisait à amplifier les extrêmes météorologiques. Par rapport à la simulation de contrôle, la variabilité thermique d’une année à l’autre est beaucoup plus importante – de l’ordre de +50 % en moyenne globale. On observe qualitativement la même chose en ce qui concerne la température de surface de la mer. La probabilité de survenue d’extrêmes froids ou chauds est donc proportionnellement plus importante.

« Globalement, l’inclusion des rejets d’eau de fonte dans les simulations climatiques semble entraîner un ensemble complexe de changements atmosphériques et océaniques, notamment une variabilité inter-annuelle accrue dans certaines zones, ce qui pourrait entraîner des événements météorologiques extrêmes plus fréquents », indique l’étude. En conclusion, pour fournir des projections climatiques plus réalistes, la prise en compte simultanée des deux inlandsis et leur couplage avec le climat mondial est nécessaire. Ce sujet sera à n’en pas douter celui de nombreux travaux futurs.

* Un déficit à relier au défi numérique que pose la représentation du système climatique dans son ensemble. 

Source

Articles liés :

L’Antarctique perd six fois plus de glace par an qu’il y a 40 ans

Antarctique : un des plus imposants icebergs jamais vu prend le large !

La glace du Groenland fond quatre fois plus rapidement qu’en 2003