Des biologistes de l’Université de Californie à Davis (États-Unis) ont découvert un mécanisme génétique fascinant chez les noyers qui se révèle stable chez les noyers et leurs ancêtres depuis 40 millions d’années. Cela leur permet à cet arbre d’alterner entre fleurs mâles et fleurs femelles chaque saison. Cette découverte sur le noyer publiée le 3 janvier dans Science présente certaines similitudes troublantes avec la détermination du sexe chez les humains et d’autres animaux.
Comment éviter l’autopollinisation : à chaque végétal sa méthode
Vous êtes-vous déjà demandé comment les végétaux évitent de s’autopolliniser ? Les plantes à fleurs peuvent ici avoir recours à diverses stratégies. Certaines possèdent par exemple des structures physiques qui rendent cette autopollinisation difficile tandis que d’autres produisent des plantes mâles et femelles distinctes.
Cependant, certaines espèces se démarquent plus en adoptant une approche plus dynamique qui alterne les fleurs mâles et femelles au cours d’une même saison. C’est le cas chez les noyers, mais aussi les caryers et les pacaniers (qui voient pousser la noix de pécan, dite aussi pacane). Chaque noyer suit ainsi systématiquement l’un des deux schémas suivants avec une constance remarquable : il commence la saison avec des fleurs mâles ou avec des fleurs femelles, puis va alterner.

« Les noyers et les pacaniers présentent un dimorphisme temporel qui alterne entre floraison mâle et femelle au fil de la saison », affirme Jeff Groh, doctorant en biologie des populations à l’UC Davis et auteur principal de l’étude. « Cela est connu depuis les années 1800 [et notamment observé pour la première fois par Charles Darwin en 1877, NDLR], mais n’avait jamais été compris au niveau moléculaire auparavant », des lacunes que la présente étude visait à combler. Selon les résultats, ce phénomène se produit à la fois chez les noyers domestiqués et chez leurs parents sauvages, comme le noyer noir de Californie du Nord. Chez les espèces sauvages, le ratio entre arbres mâles, puis femelles est presque de 1:1.
Un mécanisme stable chez le noyer et des perspectives évolutives passionnantes
Groh et le professeur Graham Coop du Département d’Évolution et d’Écologie, son directeur de thèse, ont utilisé des données du programme de sélection des noyers de l’UC Davis et ont également suivi la floraison des noyers noirs de Californie du Nord présents autour du campus de leur université. En les répartissant en groupes « mâle en premier » ou « femelle en premier », les chercheurs ont séquencé leur génome et identifié des séquences associées à ce trait. Chez les noyers, ils ont découvert deux variantes d’un gène lié à la floraison « femelle en premier » ou « mâle en premier ». Or, ce polymorphisme génétique apparaît dans au moins neuf espèces de noyers et est resté stable pendant près de 40 millions d’années.
« Il est assez atypique de maintenir une variation sur une période aussi longue », s’étonne Groh. Dans ce cas, les deux types de floraison se compensent mutuellement. Si l’un devient plus fréquent dans la population, l’autre, moins fréquent, bénéficie ainsi d’un avantage reproductif, ce qui rééquilibre la proportion. Ce mécanisme permet finalement de maintenir un équilibre de 50:50 parfait et de préserver la variation génétique.

Le noyer et le pacanier : des similitudes et différences
Groh a également découvert que les pacaniers présentent un polymorphisme génétique équilibré qui détermine l’ordre de floraison, mais situé dans une partie différente du génome par rapport aux noyers. Ce polymorphisme génétique chez le pacanier semble toutefois encore plus ancien que celui du noyer, datant de plus de 50 millions d’années.
Cela pose donc une question : comment les noyers et les pacaniers, bien que liés, ont-ils abouti au même mécanisme de floraison à partir de gènes si différents ? Selon l’étude, il est possible que les ancêtres communs de ces arbres aient évolué vers des solutions similaires. Néanmoins, il est aussi envisageable que ce système de floraison décalée soit apparu il y a encore plus longtemps, peut-être il y a environ 70 millions d’années, et que les mécanismes génétiques exacts aient changé au fil du temps.
Des parallèles avec la détermination du sexe chez les animaux
L’étude soulève un autre fait intrigant : ce phénomène est similaire au fonctionnement des chromosomes sexuels chez les animaux avec deux variantes structurelles qui se maintiennent en équilibre. Chez l’humain, tout comme chez d’autres mammifères, les chromosomes X et Y sont par exemple maintenus dans un équilibre relatif grâce à un mécanisme où l’augmentation de l’un influence le potentiel reproductif de l’autre. Même très différents, les êtres vivants semblent ainsi pouvoir toujours se trouver des traits communs.
Vous pouvez consulter cette étude en détail ici.