Asie : comment les feux de forĂȘt augmentent les nuages bas

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Crédits : Pxhere.

De rĂ©cents travaux ont montrĂ© que les fumĂ©es issues des feux de forĂȘt avaient un impact considĂ©rable sur les nuages bas en Asie du Sud, une rĂ©gion sensible qui abrite prĂšs de 300 millions de personnes. Les rĂ©sultats ont Ă©tĂ© publiĂ©s en accĂšs libre dans la revue scientifique Nature Communications.

Les formations nuageuses dĂ©pendent de façon fondamentale des innombrables particules en suspension dans notre atmosphĂšre. En effet, pour se former, les gouttes d’eau et les cristaux de glace nĂ©cessitent la prĂ©sence d’un embryon particulaire, aussi appelĂ© aĂ©rosol, Ă  partir duquel le processus de nuclĂ©ation va pouvoir dĂ©buter. Cependant, en raison de la complexitĂ© et de la multitude d’interactions entre les aĂ©rosols et les nuages, diverses questions et incertitudes persistent encore Ă  l’heure actuelle.

Mise en Ă©vidence d’une influence forte des incendies sur les nuages bas

Dans une Ă©tude rĂ©cente, des chercheurs ont prĂ©cisĂ© le rĂŽle que pouvaient avoir les feux de forĂȘt sur les nuages bas. Étant donnĂ© l’importante quantitĂ© d’aĂ©rosols libĂ©rĂ©e rĂ©gionalement au moment des incendies, on supposait une rĂ©action de la couverture nuageuse. En recoupant observations et simulations numĂ©riques sur un domaine gĂ©ographique de 500 000 kilomĂštres carrĂ©s localisĂ© en Asie du Sud, les scientifiques ont dĂ©sormais dĂ©montrĂ© que les particules Ă©mises augmentaient trĂšs nettement la quantitĂ© de nuages bas entre l’hiver et le printemps.

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SchĂ©ma de l’interaction dĂ©crite par l’Ă©tude. Le panache de particules apparaĂźt en gris. Le rĂ©chauffement d’altitude (rouge, SW Heating), le refroidissement de basse couche (bleu, Dimming) et leur influence sur l’apporte d’humiditĂ© par la circulation de mousson (flĂšches en bleu) sont Ă©galement prĂ©sentĂ©s. Notez Ă©galement le soulĂšvement orographique. CrĂ©dits : Ke Ding & coll. 2021.

Avec ses quelque 270 millions de personnes, la rĂ©gion d’étude constitue un domaine sensible en termes d’impacts et de consĂ©quences. Non seulement les fumĂ©es d’incendies sont frĂ©quentes, mais leur influence sur les nuages bas peut entraĂźner des pertes socio-Ă©conomiques considĂ©rables, en rĂ©duisant par exemple la production agricole ou la gĂ©nĂ©ration d’énergie photovoltaĂŻque. Il ne s’agit donc pas uniquement de considĂ©rations mĂ©tĂ©orologiques ou climatiques. NĂ©anmoins, comment les particules Ă©mises par les incendies en viennent-elles Ă  favoriser la prĂ©sence de nuages bas de type stratus ou stratocumulus ?

Une interaction synergique entre les aérosols, le rayonnement solaire et la circulation de mousson

Il apparaĂźt que l’effet principal tient Ă  l’interaction entre la couche d’aĂ©rosols et le rayonnement solaire. L’absorption de ce dernier par les particules de suie conduit Ă  un rĂ©chauffement en altitude et, en contrepartie, Ă  un refroidissement en surface. La prĂ©sence de ces anomalies de tempĂ©rature modifie le rĂ©gime de vent de sorte Ă  amener un surplus d’humiditĂ© depuis l’ocĂ©an et provoque une stabilisation de l’atmosphĂšre, deux Ă©lĂ©ments favorables aux nuages bas. Cet effet est renforcĂ© par la prĂ©sence de montagnes, lesquelles favorisent le soulĂšvement et le blocage des nuages en amont.

« Bien que de nombreuses Ă©tudes se soient concentrĂ©es sur l’interaction aĂ©rosols-nuage, nous constatons que l’effet aĂ©rosols-rayonnement, en particulier celui des particules de suie absorbantes, joue un rĂŽle dominant sur l’augmentation des nuages bas en Asie du Sud-Est », souligne Yafang Cheng, l’un des coauteurs de l’étude. « Cela confirme notre hypothĂšse rĂ©cente selon laquelle les interactions aĂ©rosols-nuage ont tendance Ă  saturer aux forts taux d’aĂ©rosols, alors que la force des interactions aĂ©rosols-rayonnement continue d’augmenter et joue un rĂŽle plus important dans les Ă©pisodes et rĂ©gions trĂšs polluĂ©s ».