Le Festival de Science de Manchester explore la psychologie du Poker

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Lors du Festival des sciences qui s’est déroulé à Manchester du 20 au 30 octobre 2016, Paul Seager a proposé le 22 octobre une conférence sur la psychologie du bluff et le langage du corps au poker, une conférence peu traditionnelle puisqu’elle était organisée dans le style du cabaret avec un spectacle.

Ce professeur était bien placé pour en parler, car il est lui-même joueur de poker. Ses études se basent sur notre capacité, ou l’absence de celle-ci, à détecter le bluff. Nous sommes rarement bons à cet exercice, et la pratique du poker permet de repérer et maîtriser les artifices de nos interlocuteurs. Mais pour ce faire, il faut beaucoup de patience, de pratique et d’observation.

Le poker est un jeu qui fait beaucoup parler de lui, car plus les recherches avancent sur le sujet et plus nous comprenons qu’il est loin d’être un simple jeu de hasard. Au programme, Paul Seager a développé l’utilisation des indices comportementaux verbaux et non verbaux (« tells », dans le jargon du poker). Ensuite, d’autres scientifiques ont appuyé ces faits, notamment la mathématicienne Katie Steckles qui a révélé comment la probabilité de tirer des cartes particulières permettait aux joueurs de prévoir l’avancée d’une partie, et comment les joueurs peuvent utiliser les statistiques à leur avantage.

Il a été prouvé que la pratique du poker permettait de faire travailler différentes zones du cerveau et nécessitait beaucoup de stratégie et de psychologie. La neuro-scientifique Nicola Ray s’est concentrée sur les raisons de l’aspect amusant du jeu, et comment certaines régions du cerveau sont « prises en otage » par les tensions qui se jouent pendant une partie. Étrangement, ces régions qui sont responsables de veiller à ce que nous mangeons, à procréer, ou encore à tomber amoureux sont aussi celles qui nous décident à continuer à jouer même lorsque nous sommes en train de perdre.

Le poker est donc un jeu particulièrement intéressant d’un point de vue psychologique parce que nous avons tous l’habitude, en général, de penser que les gens sont honnêtes, alors que dès que de l’argent est en jeu nous avons vite tendance à penser l’inverse. Paul Seager précise qu’une des choses amusantes avec le poker est qu’il nous donne l’autorisation de simuler, ce qui est une pratique généralement mal vue dans une société bien pensante et bien éduquée. Au poker, nous supposons d’emblée que tout le monde nous cache la vérité, ou tente de nous bluffer. Beaucoup de joueurs de poker pensent que la meilleure approche est de bluffer presque constamment, mais Paul Seager y voit une dynamique plus complexe. Il faut être patient, ne pas forcer le bluff, et plutôt choisir le bon moment pour le faire. Le joueur doit se rappeler qu’il est constamment observé par les autres.

Le poker est ainsi réellement un jeu social. Et pourtant, il vaut mieux ne pas trop discuter avec les amis autour de la table, car nous perdons alors beaucoup d’informations essentielles à la victoire. Aussi beaucoup de joueurs de poker ratent des indices assez évidents ou les recherchent au mauvais moment auprès du mauvais adversaire. Il existe un repère concret que la plupart des gens manquent. Quelqu’un parfois bavarde avec les gens autour de la table, puis lorsque vient son tour de piocher, il cesse brusquement de parler une fois ses cartes en main. Il est évident que cette personne a sûrement pioché une main de génie. Il commence immédiatement à penser à la meilleure action à effectuer, alors qu’il devrait plutôt concentrer son énergie à continuer à être sociable pour noyer le poisson. Or, sa réaction extrême rend la situation évidente à qui sait observer.

Une étude effectuée dans une cinquantaine de pays par la Global Deception Team montre que beaucoup de joueurs (notamment ceux qui se considèrent bons à détecter le bluff) ont tendance à croire qu’une personne qui se couche évite le contact visuel ou qu’elle opère des phases nerveuses sur son siège. Cependant, l’une des clés de la détection précise de bluff est d’avoir d’abord assimilé comment les autres joueurs agissent dans des situations non stressantes ou véridiques. Ensuite, en utilisant ce comportement comme une « base honnête », on peut comparer leur comportement au moment de se coucher et voir un réel changement en cas de bluff. Un bon bluffeur cherchera justement ce contact visuel autour de lui pour tromper ses adversaires.

Paul Seager résume qu’un bon joueur de poker est quelqu’un qui ne parle pas beaucoup autour de la table, qui observe les réactions de leurs adversaires et qui les garde en mémoire. C’est seulement en raccordant toutes ces informations que l’on peut repérer de manière fiable quand quelqu’un essaie de bluffer. On espère voir fleurir plus d’études sur le sujet, car le poker est en voie de devenir un sport (il est d’ailleurs très plébiscité par les sportifs de haut niveau) et ce genre de preuves de son caractère psychologique plus que de hasard est important pour faire pencher la balance.