chat de Schrödinger
Crédits : Yiwen Chu/ETH Zurich

L’expérience du chat quantique bat un record en survivant 1 400 secondes

Les chercheurs en physique quantique explorent des phénomènes fascinants qui défient notre compréhension de la réalité. Parmi ces phénomènes, la superposition quantique est l’un des plus étranges : elle permet à des particules d’exister dans plusieurs états en même temps. La métaphore du chat de Schrödinger est souvent utilisée pour illustrer ce concept. Cependant, les états de superposition sont extrêmement fragiles : ils s’effondrent généralement en une fraction de seconde. Récemment, une équipe chinoise a cependant réussi l’exploit de maintenir un état de superposition pendant 23 minutes, établissant un record et ouvrant des perspectives prometteuses pour la recherche scientifique.

Les bizarreries de la mécanique quantique

La superposition quantique est l’un des phénomènes les plus fascinants et déroutants de la physique moderne. Dans le monde quantique, les particules (comme les électrons ou les photons) n’ont pas d’état unique et défini tant qu’on ne les observe pas. Elles peuvent exister dans plusieurs états simultanément, un concept appelé superposition. Cela signifie qu’une particule peut être çà et là en même temps, contrairement à la manière dont les objets se comportent à notre échelle où leur position est toujours fixe.

Pour expliquer ce concept, le physicien Erwin Schrödinger a imaginé en 1935 une expérience théorique appelée chat de Schrödinger. Un chat enfermé dans une boîte peut être à la fois vivant et mort tant qu’on n’ouvre pas la boîte pour vérifier son état, car l’atome radioactif censé déclencher la libération du poison existe dans une superposition d’états désintégré et non désintégré. Lorsque l’observation a lieu, la superposition s’effondre : la particule (ou le chat) se fixe dans un état unique. Ce phénomène, connu sous le nom d’effondrement de la fonction d’onde, est central en physique quantique.

Ce paradoxe illustre la nature étrange de la superposition qui échappe à notre intuition. Ce phénomène a cependant des implications profondes, notamment pour le développement de technologies comme les ordinateurs quantiques. Ces ordinateurs utilisent en effet des bits quantiques (ou qubits) qui peuvent être dans plusieurs états à la fois, contrairement aux bits classiques qui ne peuvent être que 0 ou 1. La superposition permet donc d’exécuter de nombreux calculs en parallèle, ce qui promet de révolutionner l’informatique en augmentant considérablement la vitesse de traitement des données.

chat quantique
Crédits : Dhatfield/Wikipedia

Un phénomène éphémère

Les états de superposition quantique sont extrêmement fragiles et s’effondrent généralement en une fraction de seconde dès qu’ils interagissent avec leur environnement. Ce phénomène, appelé décohérence, fait que la superposition disparaît et que la particule quantique choisit un seul état parmi ceux possibles. La moindre perturbation extérieure (même une légère variation de température, un champ magnétique ou une interaction avec une autre particule) suffit à rompre la superposition. Cela signifie qu’il est extrêmement difficile de maintenir une particule dans un état de superposition stable.

La décohérence pose donc un défi majeur pour les applications technologiques de la physique quantique, comme les ordinateurs quantiques. Pour que ces ordinateurs puissent exploiter la puissance de la superposition et réaliser des calculs complexes, il est en effet nécessaire de maintenir les qubits en superposition pendant une durée suffisante pour mener à bien les opérations. Plus la durée de la superposition est longue, plus il est possible d’effectuer des calculs complexes ou des mesures précises.

Dans ce contexte, l’expérience menée récemment par une équipe de l’Université des sciences et technologies de Chine représente une avancée majeure. Elle a en effet réussi à maintenir un état de superposition pendant un temps record de vingt-trois minutes et vingt secondes, ce qui est exceptionnel.

Une expérience inédite qui repousse les limites

Pour atteindre cette prouesse, les chercheurs ont refroidi environ 10 000 atomes d’ytterbium à quelques millièmes de degré au-dessus du zéro absolu, créant ainsi des conditions extrêmement stables et isolées. En confinant ces atomes dans un environnement ultra-froid et sous vide, les scientifiques ont pu réduire au minimum les interactions perturbatrices et ainsi prolonger l’état de superposition.

En utilisant de la lumière pour les piéger et les maintenir dans un espace stable, ils ont ensuite réussi à placer ces atomes dans un état de superposition stable de deux spins opposés. L’état de superposition créé, surnommé état de chat quantique, aurait alors permis de maintenir les particules dans deux états simultanés pendant une durée de 1 400 secondes. Autrement dit, là où d’habitude cet état s’effondre en une fraction de seconde, l’équipe chinoise a stabilisé le système bien plus longtemps qu’aucune autre expérience n’avait pu le faire jusqu’ici.

Quelles applications pour cette avancée quantique ?

De nombreux défis se posent encore. La superposition d’états quantiques exige en effet des conditions de laboratoire extrêmes : des températures proches du zéro absolu, un vide parfait et un isolement contre les vibrations et autres perturbations extérieures. Malgré tout, ces résultats sont encourageants.

À terme, cette percée pourrait notamment avoir des implications profondes dans plusieurs domaines, notamment dans le développement des ordinateurs quantiques et les technologies de mesure de haute précision.

En attendant, la recherche se poursuit. Dans cette expérience, l’ytterbium a bien fonctionné, mais d’autres éléments pourraient s’avérer plus stables, ce qui élargirait le champ des possibles en permettant de tester une plus grande diversité de matériaux et de configurations. Ce domaine en pleine expansion pourrait donc aboutir à de nouvelles découvertes qui transformeront notre compréhension du monde quantique.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.