Des mesures de terrain effectuées entre août et septembre 2020 dans le cadre de l’expédition scientifique MOSAiC ont permis de faire la lumière sur des processus clés impliqués dans la dynamique de la banquise arctique. Les résultats ont récemment été publiés dans la revue scientifique JGR Oceans.
La banquise est soumise au cycle saisonnier avec une croissance des glaces de mer de septembre à mars et un déclin de mars à septembre. Cette fluctuation saisonnière de l’ordre de dix millions de kilomètres carrés est un processus complexe, car modulé par de multiples interactions avec l’atmosphère et l’océan sous-jacent.
Vent et eau de fonte : des influences inattendues sur la banquise arctique
Grâce aux données récoltées sous les glaces dérivantes lors de la dernière phase de l’expédition MOSAiC (Multidisciplinary drifting Observatory for the Study of Arctic Climate), nous comprenons désormais bien mieux ces interactions qui étaient jusqu’alors difficiles à caractériser et donc à modéliser. Les mesures ont été faites sur les cinquante premiers mètres de l’océan Arctique entre août et septembre 2020.
Parmi les éléments évalués par les chercheurs, citons l’influence de l’eau de fonte, peu salée et gelant plus facilement, la formation de saumure sous la glace lors de sa cristallisation ou encore l’impact des tempêtes sur les flux de chaleur turbulents et les fluctuations de salinité. « En raison des schémas complexes de transfert de chaleur et d’énergie, la physique des océans froids est compliquée », souligne Yusuke Kawaguchi, auteur principal de l’étude.
Les résultats ont révélé que la présence de ces interactions accentuait le cycle saisonnier de la banquise en augmentant sa fonte en été et en favorisant sa croissance entre l’automne et le début de l’hiver. En effet, en saison chaude, les vents induisent un brassage entre une eau de surface froide et peu salée provenant de la fonte des glaces et une eau plus chaude et salée située en dessous. Il en résulte un transfert accru de chaleur en direction de la surface, juste sous la glace.
A contrario, dès l’automne, l’accumulation d’eau de fonte autour et sous la banquise favorise l’embâcle, car son point de congélation est plus élevé que celui de l’eau océanique. « Lors d’une tempête à la mi-septembre, la glace a cessé de fondre et a recommencé à geler même si l’eau et l’air étaient encore relativement chauds », note l’étude dans son résumé. « Nous expliquons cela par la présence d’une eau de surface moins salée, et donc plus encline à geler à plus haute température (…) ».
Une voie d’amélioration pour les modèles climatiques
Par le biais de ces observations, on réalise de façon claire l’importance de considérer les flux de chaleur présents sous la glace et la distribution de l’eau de fonte dans les modélisations climatiques, en particulier entre la fin d’été et le début d’automne. En intégrant ces processus aux paramétrisations des modèles, la capacité à anticiper l’évolution saisonnière et climatique de la banquise en serait renforcée.
« L’étendue de la banquise arctique peut régionalement affecter le climat dans des endroits éloignés, comme le Japon, via des perturbations atmosphériques », rapporte le chercheur. « Nous pensons que l’étude de la banquise nous permettra de mieux prédire les changements futurs du climat de la Terre ».