Ce qu’il y a de bien avec la science, c’est que les nouvelles découvertes peuvent remettre en questions certains savoirs que nous pensions acquis. C’est le cas ici puisque, alors que nous ne pensions qu’il n’existait qu’une seule espèce de girafe, de nouveaux travaux suggèrent qu’il en existe en réalité quatre.
C’est alors qu’ils étudiaient la génétique des girafes pour des problématiques de conservation que les chercheurs allemands Axel Janke (Université Gœthe) et Julian Fennessy (Fondation de conservation des girafes) ont fait une découverte étonnante, suggérant qu’il existe en réalité quatre espèces de girafes alors que jusque-là, on ne connaissait qu’une seule espèce, Giraffa camelopardalis. Une découverte qu’ils publient dans une étude parue le 8 septembre dans la revue Current Biology.
Durant ces études génétiques, ces chercheurs ont repéré des différences bien trop importantes dans les séquences génétiques de plusieurs girafes pour ne distinguer que des sous-espèces. Des disparités qu’ils estiment être aussi importantes que celles qui séparent l’ours polaire de l’ours brun. « Au vu des résultats, on a compris que l’histoire de l’évolution de la girafe était plus complexe que ce qu’on pensait, se réjouit Julian Fennessy. Une découverte de cette ampleur avec un animal aussi emblématique est plutôt rare » expliquent les chercheurs dans leur étude.
Une découverte qui intervient de manière si tardive, probablement parce que la girafe n’est que très peu étudiée contrairement à d’autres mammifères, comme l’explique Axel Janke, qui estime à « plus de dix fois supérieur » le nombre de rapports sur certains autres grands mammifères comme les éléphants, les rhinocéros, les gorilles ou les lions. « Nous avons toujours été étonnés du peu de recherches effectuées sur l’animal le plus grand au monde, explique-t-il. Pendant des années, il a été négligé par la science.«
Il aura fallu attendre que l’animal soit menacé pour que l’on commence à réellement s’intéresser à sa génétique dans un but de conservation. En effet, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), nous sommes passés en l’espace de vingt ans seulement à une population de 140 000 spécimens à seulement 80 000 à ce jour. Quatre espèces donc, qui sont les suivantes : la girafe masaï (Giraffa tippelskirchi), la girafe réticulée (G. reticulata), la girafe du Nord (G. giraffa) et la girafe de Nubie (G. camelopardalis). Si l’UICN venait à accepter ces quatre espèces différentes, trois devraient être directement classées comme « espèce menacée » sur sa liste rouge des animaux en voie d’extinction. « Avec le déclin rapide du nombre de girafes à travers l’Afrique, il est important de comprendre les différences entre chaque espèce afin de mieux gérer leur protection à long terme« , explique Julian Fennessy.
Séparer les espèces pourrait également permettre de les protéger de manière plus adaptée. « Il est incohérent de continuer d’utiliser les mêmes moyens de conservation pour la girafe masaï, qui a décliné de 50 % en 30 ans, et pour la girafe de Nubie, qui voit son nombre d’individus augmenter chaque année« , expliquent les chercheurs. « On commence juste à comprendre la génétique de la girafe. De nouvelles recherches sont nécessaires pour mieux décrypter sa biodiversité avant que celle-ci ne disparaisse devant nos yeux » conclut Julian Fennessy.