Europe abrite un océan souterrain recouvert d’une épaisse coquille glacée. Nous savons également que des panaches d’eau jaillissent parfois de la surface. En revanche, on ne sait toujours pas si cette activité provient de réservoirs d’eau proches de la surface ou si elle provient de cet océan profondément enfoui. Une étude s’est penchée sur la question.
Au même titre que Mars ou Encelade, Europe est une candidate de choix pour la recherche de la vie extraterrestre. Et pour cause, cette lune abriterait un océan souterrain salé sous seize à vingt-quatre kilomètres de glace, possiblement en contact avec son noyau rocheux. Autrement dit, théoriquement, cela pourrait donner lieu à toute une variété de réactions chimiques complexes susceptibles de conduire à l’apparition de la vie. Enfin, Europe est géologiquement active, permettant les rejets périodiques de vapeur d’eau à la surface. Certains peuvent même atteindre une hauteur de plusieurs dizaines de kilomètres !
Ainsi, une vie extraterrestre (si tant est qu’elle existe) évoluant dans l’océan souterrain d’Europe pourrait se retrouver régulièrement en surface, remontée sur plusieurs kilomètres de glace par le biais de ces éruptions. Si tel est le cas, la mission américaine Europa Clipper, qui doit arriver sur place dans les années 2030, pourrait alors être en mesure de recueillir quelques échantillons pour les analyser. Toutefois, il y a encore beaucoup de suppositions.
Déterminer la source des panaches sur Europe
L’une des questions qui intéressent le plus les chercheurs est la suivante : ces panaches d’eau proviennent-ils vraiment de l’océan souterrain d’Europe ? Une équipe de la NASA, ainsi que des universités d’Arizona, du Texas et de Stanford, s’est récemment penchée sur le problème.
À partir d’images de la sonde Galileo, sur place à la fin des années 1990 et au début des années 2000, les chercheurs ont développé un modèle capable d’expliquer l’origine des panaches. Dans le cadre de ces travaux, ils se sont concentrés sur un cratère de 29 kilomètres de large appelé Manannán. Créée par l’impact d’un objet il y a quelques dizaines de millions d’années, cette structure présente plusieurs « cicatrices » laissant à penser qu’elle fut jadis le théâtre d’une éruption (panache).

Des poches d’eau peu profondes mises sous pression
Estimant qu’une telle collision aurait généré une énorme quantité de chaleur, les chercheurs ont modélisé le comportement de la fonte et du gel ultérieur de la glace contenue à l’intérieur du cratère. Selon leur modèle, de petites poches d’eau saumâtre auraient persisté un certain moment sous la surface. Ces poches se seraient ensuite déplacées latéralement à travers la glace, migrant le long des gradients thermiques (des zones plus froides vers des zones plus chaudes). En conséquence, toute l’eau se serait finalement accumulée au centre du cratère.
Au fil du temps, le modèle suggère que ce « lac » central aurait ensuite commencé à geler, pressurisant l’eau restante jusqu’à ce qu’elle éclate en un panache de plus d’un kilomètre de haut. « Même si les panaches générés par la migration des poches de saumure ne fournissent ici aucun aperçu direct de l’océan d’Europe, nos résultats montrent bien que cette coquille de glace en elle-même est très dynamique », explique alors Joana Voigt, coauteur principal de l’étude.

Encore de l’espoir
Ces résultats pourraient être décourageants pour les astrobiologistes qui espéraient que ces panaches puissent contenir des indices sur la capacité de cet océan souterrain à soutenir la vie. Ceci dit, les auteurs admettent que ce mécanisme ne peut pas expliquer tous les panaches. On le rappelle, l’étude ne porte que sur un seul cratère. Il paraît donc encore possible que de la matière soit expulsée des entrailles de la lune pour finir en surface.
Enfin, ces travaux ont également permis de préciser le degré de salinité de l’océan d’Europe. Basés sur l’imagerie de Galileo de 1995 à 1997, les calculs suggèrent qu’il pourrait être environ un cinquième aussi salé que les océans terrestres. Ces nouvelles données sont importantes dans la mesure où elles favorisent la transparence de sa coquille de glace aux ondes radar.
Les détails de ces travaux sont publiés dans The Geophysical Research Letters.