L’Europe a raison de s’inquiéter à propos de la domination de SpaceX

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Une fusée Falcon 9 décolle de cap Canaveral (Floride) le mardi 6 octobre 2020. Crédits : SpaceX

L’Europe, emmenée par France et l’Italie, appelle à une approche coordonnée dans le but de concurrencer SpaceX, leader des lancements de fusée, au cours de la prochaine décennie. Mais peut-elle vraiment le faire ?

Vers une stratégie spatiale plus agressive

Préoccupée par la montée en puissance toujours plus marquée de SpaceX, l’Union européenne vise une stratégie spatiale plus agressive. Il y a quelques semaines, le commissaire européen Thierry Breton prévoyait de rassembler différents acteurs nécessaires pour initier une alliance permettant un accès autonome à l’espace pour l’Europe au cours de la prochaine décennie.

Il y a quelques jours, les ministres français et italien ont également appelé à une réponse « technologique et industrielle » significative à l’essor de SpaceX. Dans cet esprit, l’Agence spatiale européenne vient d’annoncer une initiative visant à étudier de « futures solutions de transport spatial ».

Concrètement, l’agence a promis environ 500 000 euros à trois entreprises – ArianeGroup, Avio et Rocket Factory Augsburg. Ces dernières devront étudier les systèmes de lancement concurrentiels à partir de 2030, au-delà d’Ariane 6 (lanceur moyen) et de Vega-C (lanceur léger).

Ces deux derniers lanceurs représentent en effet déjà la prochaine génération de fusées européennes visant à répondre aux besoins de lancement du continent pour cette nouvelle décennie (déjà bien entamée). Issus d’une génération antérieure de boosters, ils devraient faire leurs débuts dans les 12 à 18 prochains mois.

Une course perdue d’avance ?

Une fois sur le marché, ces deux lanceurs devront attirer des clients pour être compétitifs. Cependant, l’Europe semble de plus en plus préoccupée par l’idée que, justement, ces deux fusées pourraient ne pas l’être.

Les ministres de l’Économie de France et d’Italie ont récemment admis que le marché du lancement avait radicalement évolué depuis 2014, alors que les fusées Ariane 6 et Vega-C étaient déjà dans les papiers pour la première fois. De fait, les deux ministres conviennent que la capacité de ces nouvelles fusées d’obtenir des contrats de lancement commerciaux a considérablement baissé depuis, peut-on lire dans un rapport publié dans Le Figaro.

D’un côté, Ariane 6 devra se confronter, entre autres lanceurs, à la Falcon 9 de SpaceX, partiellement réutilisable. Alors que les véhicules européens Ariane jouaient autrefois un rôle dominant dans le lancement de satellites géostationnaires, ils sont désormais relayés au second plan.

De son côté, la Vega-C sera également menacée par la Falcon 9, qui propose désormais des missions de « covoiturage ». Autrement dit, des clients peuvent aujourd’hui profiter de certains lancements pour libérer leurs petites charges utiles « sur la route ». Le lanceur européen devra également jouer des coudes avec Rocket Lab, spécialisée dans l’envoi de petites charges utiles dans l’espace grâce à sa fusée Electron.

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Vue d’artiste d’une Ariane 6 dans sa version à quatre boosters. Crédits : ESA

Comme le rappelle également Le Figaro, l’Europe accuse également d’autres retards sur SpaceX. Grâce à son partenariat avec la NASA, la société dirigée par Elon Musk peut désormais lancer des astronautes dans l’espace. Le spationaute français Thomas Pesquet doit d’ailleurs intégrer la prochaine mission habitée vers l’ISS (Crew-2), qui doit être lancée le mois prochain. Et il sera probablement le premier de nombreux spationautes européens à rejoindre l’espace à bord d’un véhicule SpaceX.

Enfin, l’Europe n’a pas non plus de réponse à la mégaconstellation Starlink actuellement déployée à vitesse grand V par SpaceX – que ce soit dans la capacité de construire des centaines de satellites par an, ou de les mettre en orbite à un prix raisonnable.

Ainsi l’Europe réagit, mais avec au moins cinq ans de retard. Et pour beaucoup, il est probablement déjà trop tard.