La découverte d’un fossile en Europe réécrit l’histoire évolutive des pandas

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Crédits : Velizar Simeonovski

Une découverte scientifique récente en Allemagne bouleverse notre compréhension des pandas géants. Longtemps perçus comme de paisibles mangeurs de bambou, leurs ancêtres lointains étaient en réalité omnivores, capables de consommer aussi bien des plantes que de la viande. Cette nouvelle révélation, fruit de l’analyse des fossiles d’un panda ancien met en lumière l’évolution complexe de cette espèce et soulève de nombreuses questions sur la manière dont les pandas ont fini par adopter leur régime alimentaire si particulier.

Des pandas actuels herbivores… et mystérieux

Les pandas géants d’aujourd’hui sont célèbres pour leur régime alimentaire singulier et exigeant. Bien qu’ils soient classés dans l’ordre des carnivores, un groupe d’animaux généralement adaptés à une alimentation à base de viande, les pandas modernes se distinguent par leur dépendance presque exclusive au bambou. En effet, environ 99 % de leur alimentation se compose de pousses, de feuilles et de tiges de cette plante. Pour compenser la faible valeur nutritive du bambou, qui est pauvre en protéines et en calories, les pandas doivent en ingérer d’énormes quantités (jusqu’à 38 kg par jour). Ils passent ainsi jusqu’à quatorze heures quotidiennement à manger.

Le choix du bambou est d’autant plus intrigant que les pandas géants possèdent toujours un système digestif de carnivore. Leur estomac et leur intestin ne sont en effet pas particulièrement adaptés à la dégradation des fibres végétales, ce qui les rend bien moins efficaces que les herbivores spécialisés pour tirer des nutriments des plantes.

Pour compenser cette limitation, les pandas dépendent de leurs puissantes mâchoires et de leurs molaires larges et aplaties qui leur permettent de broyer les tiges dures de bambou. Leur système digestif inclut également une flore bactérienne intestinale qui les aide à digérer partiellement la cellulose des plantes, mais ce processus est loin d’être aussi efficace que celui des ruminants par exemple.

Ce comportement alimentaire intrigue les scientifiques depuis longtemps. Pourquoi un animal avec des caractéristiques physiologiques de carnivore se serait-il spécialisé dans un régime alimentaire aussi pauvre et inhabituel ? Cette question n’a pas encore trouvé de réponse définitive, mais elle pourrait être liée à une niche écologique particulière et à la disponibilité abondante du bambou dans certaines régions de la Chine, où les pandas vivent.

La question de l’évolution vers ce régime alimentaire herbivore est également fascinante. Quand la transition s’est-elle produite ? La découverte du fossile de Kretzoiarctos beatrix, en Allemagne, pourrait enfin apporter des réponses à cette énigme.

L’ancêtre omnivore

L’équipe internationale de chercheurs à l’origine de cette découverte a récemment mis au jour les restes de l’animal sur le site de Hammerschmiede, célèbre pour ses trésors préhistoriques. En 2019, des paléontologues y avaient notamment découvert les restes de Danuvius guggenmosi, un grand singe vieux de 11,5 millions d’années et considéré comme le plus ancien bipède connu.

Datant de plus de 11 millions d’années, cet ancêtre des pandas géants modernes était plus petit, mais tout aussi trapu, avec un poids estimé à plus de 100 kg. Contrairement aux pandas modernes qui se nourrissent exclusivement de bambou, K. beatrix avait un régime omnivore, et consommait à la fois des plantes et des matières animales. Plus précisément, l’analyse détaillée de ses dents a révélé qu’il n’était pas spécialisé dans les plantes dures comme ses descendants actuels. Au lieu de cela, ses dents montrent des caractéristiques similaires à celles d’ours bruns modernes, capables de s’adapter à une grande variété d’aliments, qu’il s’agisse de végétaux ou de viande.

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Les dents de la mâchoire supérieure de K. beatrix montrent les surfaces de mastication marquées de différentes couleurs. Crédits : Kargopoulos et coll., 2024
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Micromorphologie comparative des surfaces de mastication des pandas modernes (à gauche), de K. beatrix (au milieu) et d’un ours brun moderne (à droite). Crédits : Kargopoulos et coll., 2024

Dans le cadre des mêmes fouilles, les chercheurs ont également mis au jour les fossiles de dizaines d’autres espèces, parmi lesquelles des prédateurs de toutes tailles : des petits animaux semblables à des belettes pesant moins d’un kilogramme aux imposants tigres à dents de sabre. Cette diversité reflète un écosystème florissant où des carnivores spécialisés et des omnivores comme K. beatrix pouvaient coexister, chacun dans une niche écologique spécifique.

La découverte de K. beatrix a une implication directe pour notre compréhension de l’évolution des pandas géants modernes. Elle suggère que la spécialisation des pandas dans un régime alimentaire exclusivement à base de bambou ne s’est développée que plus tard dans leur histoire évolutive.