Une étude explique les origines évolutives de la masturbation

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Crédits : apagnillo/istock

Particulièrement répandue chez les primates, la masturbation a longtemps été considérée comme pathologique ou comme un sous-produit de l’excitation sexuelle. Une recherche publiée récemment dans les Actes de la Royal Society B révèle que ce comportement pourrait finalement servir un objectif évolutif.

Le comportement autosexuel (ou masturbation) est assez courant dans tout le règne animal. Malgré tout, il existe peu de recherches comparatives systématiques sur ce comportement et son histoire évolutive n’est pas claire. En effet, à première vue, la masturbation n’augmente pas directement les perspectives de survie et se produit par définition à l’exclusion des partenaires reproducteurs. Elle entraîne également des coûts en termes de temps, d’attention et d’énergie.

De ce fait, la masturbation a été historiquement considérée au pire comme un comportement pathologique porté par des individus généralement captifs et au mieux comme un exutoire sexuel initié par une forte libido. Cependant, l’hypothèse pathologique ne tient pas compte de l’autosexualité chez les primates sauvages. De son côté, la seconde hypothèse ne tient pas non plus compte de la masturbation immédiatement avant ou après la copulation ou même en présence de partenaires consentants, comme on l’observe parfois dans la nature. Et si en réalité, il y avait bien un but évolutif ? C’est en tout cas ce que laisse entendre une nouvelle étude menée par le Dr Matilda Brindle, de UCL Anthropology.

La masturbation a une origine lointaine

Dans le cadre de ces travaux, les chercheurs ont rassemblé le plus grand ensemble de données jamais réalisé sur la masturbation des primates. Leur objectif était de comprendre quand et pourquoi elle a évolué chez les femelles et les mâles. Ces données proviennent de près de 400 sources, dont 246 articles universitaires publiés. Elles impliquent également les retours de centaines de primatologues et gardiens de zoo.

Les chercheurs ont alors découvert que la masturbation avait une longue histoire évolutive chez les primates. D’après les analyses, elle était en effet très probablement présente chez l’ancêtre commun de tous les singes et grands singes (y compris les humains). Pour l’heure, on ignore cependant encore si l’ancêtre des autres primates (lémuriens, loris et tarsiers) se masturbait aussi en raison du manque de données pour ces groupes.

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Crédits : tsauquet/Pixabay

Quels objectifs sert-elle?

Pour comprendre les raisons évolutives de la masturbation, les auteurs ont testé deux principales hypothèses. Ces dernières se concentrent principalement sur les mâles. La signification de la masturbation féminine est en effet moins claire en raison du manque de rapports qui la décrivent. La première hypothèse, celle de la sélection postcopulatoire, propose que la masturbation facilite la fécondation réussie. Cela peut être réalisé de deux manières.

D’une part, la masturbation sans éjaculation pourrait augmenter l’excitation avant les rapports sexuels. Cela pourrait être une tactique particulièrement utile pour les mâles de rang inférieur susceptibles d’être interrompus pendant la copulation par des mâles de plus haut rang en les aidant à éjaculer plus rapidement. D’autre part, la masturbation avec éjaculation pourrait permettre aux mâles de libérer du sperme de qualité inférieure, laissant du sperme frais et de haute qualité disponible pour l’accouplement, qui est plus susceptible de surpasser ceux des autres mâles. Le fait que la masturbation masculine ait coévolué avec les systèmes d’accouplement multimâles, où la compétition mâle-mâle est élevée, donne du poids à cette hypothèse.

Une autre idée est celle de l’évitement des agents pathogènes. Elle propose que la masturbation masculine réduise le risque de contracter une IST après la copulation en nettoyant l’urètre avec l’éjaculat obtenu par la masturbation. L’équipe a également trouvé des preuves permettant d’appuyer cette hypothèse, montrant que la masturbation masculine avait coévolué avec une charge élevée d’IST dans l’arbre de vie des primates.