Alors que les projets de plantation massive d’arbres se multiplient aux quatre coins du monde, une étude récente laisse à penser que cela pourrait en réalité faire plus de mal que de bien, notamment pour la biodiversité dans les zones tropicales. Comment les scientifiques sont-ils arrivés à de telles conclusions ?
Des experts sceptiques
En septembre 2023, le milliardaire Bill Gates avait déjà exprimé son rejet des plantations massives d’arbres destinées au stockage de carbone et donc à la lutte contre le réchauffement climatique. Il avait déclaré ne pas financer ce genre de projets et qu’il s’agissait de la méthode dont l’efficacité était la moins avérée. Néanmoins, cette dernière a le vent en poupe dans de nombreux pays. Elle permet en effet aux décideurs de se donner une image plus verte et aux entreprises de compenser leurs émissions de gaz à effet de serre (GES).
Le 3 octobre 2023, une équipe de l’Institut du changement environnemental de l’Université d’Oxford (Royaume-Uni) a toutefois publié une étude sur le sujet dans la revue Trends in Ecology & Evolution. Et selon les chercheurs, la plantation massive d’arbres pourrait faire plus de mal que de bien. Ces effets néfastes concerneraient surtout les régions tropicales, des zones fragiles où la monoculture peut faire disparaître des écosystèmes complexes.
Cinq espèces d’arbres dominent les plantations
Les auteurs de l’étude s’indignent du fait que les écosystèmes, et donc la biodiversité, soient réduits à la notion de carbone. Pourtant, la capture du carbone ne serait qu’un petit élément des fonctions écologiques essentielles que remplissent les forêts tropicales et les écosystèmes herbeux. Par exemple, dans le sud du Mexique ou encore au Ghana, des forêts jadis très diverses ont aujourd’hui été transformées en masses homogènes très vulnérables aux maladies, ce qui a un impact catastrophique sur la biodiversité locale.
Il faut dire que la plupart du temps, ces plantations abritent seulement cinq espèces d’arbres, dont le choix a été largement motivé par leur croissance rapide, mais aussi par leur valeur en bois et en pâte à papier. Autrement dit, ces arbres sont en grande partie destinés à être abattus, ce qui relâcherait à nouveau du carbone dans l’atmosphère. Par ailleurs, d’autres critiques concernent le manque d’espace à l’échelle globale, une mauvaise utilisation des prairies et la plantation de semis non adaptés.
Néanmoins, certains acteurs du secteur tendent à nuancer ces actions, notamment l’organisation American Forests. Celle-ci affirme que les 65 millions d’arbres plantés par ses soins ont fait l’objet de projets sérieux, impliquant principalement des espèces indigènes dans des zones à reboiser. En effet, il est important de souligner que le reboisement peut aussi être motivé par la perte de forêts qui ne régénèrent pas et pas seulement par la capture du carbone.