Entre les kilos en plus qui alourdissent, les nuits blanches qui se suivent quand bébé ne fait pas ses nuits, la perte de cheveux ou la chevelure qui blanchit significativement, l’allaitement qui fatigue et hache encore plus le sommeil, les couches à changer à un rythme industriel et les tâches du quotidien qui s’enchaînent avec en plus un nourrisson sur lequel il faut à chaque instant après un accouchement éreintant, beaucoup de femmes affirmeront volontiers que l’accouchement et la vie avec un bébé ou de jeunes enfants donnent un vrai coup de vieux. Ce n’est pourtant pas les conclusions que tire une étude publiée le 22 mars 2024 dans la revue Cell Metabolism.
Elle affirme en effet que si la grossesse vieillit bien les femmes et ajoute quelques années à leur âge biologique, ce serait réversible. Mieux encore, selon ces chercheurs, l’accouchement agirait comme une véritable cure de jouvence sur leur organisme.
La grossesse et l’accouchement, deux facteurs qui bouleversent l’âge biologique des femmes
L’âge biologique est à ne pas confondre avec l’âge chronologique qui évolue à mesure que le temps passe. En effet, l’âge biologique correspond à l’état physiologique d’un organisme et à son degré de fonctionnement. Il dépend de plusieurs facteurs à prendre en compte (stress oxydatif, mode de vie, patrimoine génétique, environnement, maladies, chirurgies, etc.) et offre ainsi une mesure plus précise du vieillissement et de la santé globale d’un individu. Ainsi, il ne s’améliore ou ne décline pas de manière totalement linéaire. Or, avec des bouleversements tels que la grossesse et l’accouchement qui mettent le corps à rude épreuve, on peut évidemment s’attendre à ce que cela puisse avoir un impact non négligeable sur l’âge biologique chez la femme.
D’ailleurs, une étude publiée en 2023 par un généticien qui travaille à l’hôpital universitaire de la Harvard Medical School avait déjà démontré que la maternité était corrélée à un vieillissement moléculaire accéléré tant chez les souris que chez les femmes. Cependant, ces recherches pensaient que cela pouvait s’inverser jusqu’à un certain point. Partant de ces constats, ces nouveaux travaux affirment quant à eux que si la grossesse peut bel et bien accélérer le vieillissement du corps, l’âge biologique va toutefois reculer après l’accouchement.
Les effets de l’accouchement sur l’âge biologique
Pour en venir à cette conclusion, les chercheurs du Yale Child Study Center ont analysé des échantillons de sang prélevés sur 119 femmes à différentes étapes de leur grossesse : à son commencement, au milieu, à la fin, puis trois mois après pour 68 des participantes. Cela a permis aux scientifiques d’identifier les modifications de la méthylation de l’ADN, une forme de marqueur de vieillissement. Sur une période de vingt semaines du début à la fin de la grossesse, des biomarqueurs génétiques ont alors témoigné d’une augmentation de pas moins d’un à deux ans de l’âge biologique. Toutefois, cette accélération s’est arrêtée après l’accouchement et trois mois après la naissance du bébé, les participantes étaient même biologiquement plus jeunes qu’en fin de grossesse.
L’IMC et l’allaitement, deux éléments qui jouent beaucoup
D’après ces recherches, l’indice de masse corporelle (ou IMC, calculé en faisant le rapport entre le poids et la taille) affecte profondément les résultats observés. En effet, si les chercheurs estiment que le gain de poids pendant la grossesse ne s’associait quant à lui aucun changement épigénétique marqué, un IMC de 30 exposait quant à lui à un âge biologique significativement supérieur tant pendant la grossesse qu’après l’accouchement en comparaison avec les mères avec un IMC de 23.
Par ailleurs, les scientifiques ont été étonnés de constater que les femmes qui avaient recours à l’allaitement plutôt qu’au lait en poudre avaient un âge biologique inférieur d’un an par rapport à celles qui utilisent des biberons de lait industriel. Ils n’ont toutefois pas pu en expliquer clairement les raisons, bien qu’ils avancent l’hypothèse selon laquelle l’allaitement puisse être associé à une perte de masse corporelle.
Reste que l’âge biologique baissait fortement après l’accouchement. Comme l’affirme Kieran O’Donnell, le principal auteur de cette étude qui est aussi expert en santé périnatale à l’école de médecine de Yale : « l’inversion marquée de l’âge biologique entre la fin de la grossesse et les trois mois suivant l’accouchement était tout à fait inattendue. C’est ce qui nous a le plus marqués. Nous avons constaté une diminution de l’âge biologique de trois ans à huit ans. »
Une étude qui soulève énormément de questions
Si les scientifiques ont été surpris par ces résultats, ils estiment qu’il reste encore beaucoup de choses à comprendre sur les mécanismes à l’œuvre. Ils pointent notamment le manque de données concernant les effets de cette inversion de l’âge biologique et ses possibles effets à court ou long terme sur la santé maternelle. Par ailleurs, ils ne savent pas comment cela se passe dans le cas de grossesses successives et si les effets peuvent dans ce cas s’accumuler ou non. Un autre élément à considérer est que les chercheurs n’avaient pas accès aux prélèvements sanguins avant la survenue de la grossesse. Il leur est donc impossible de savoir si l’accouchement fonctionne comme une véritable cure de jouvence ou si l’organisme ne fait que se remettre de la grossesse, retournant ainsi à son état (et son âge) initial.
Notons aussi que l’échantillon étudié est très faible : seulement une centaine de femmes et une soixantaine pour un suivi plus poussé dans les mois post-partum. Des études plus poussées restent donc à envisager pour aller plus loin.
De plus, ces résultats interpellent sur le potentiel rôle bénéfique de l’accouchement sur d’autres aspects de la santé féminine. Certains chercheurs avancent l’idée que ce phénomène pourrait stimuler des processus de réparation cellulaire et de renouvellement tissulaire, bien au-delà de l’inversion de l’âge biologique. Par exemple, des observations préliminaires suggèrent que les femmes ayant récemment accouché présentent parfois une amélioration de certaines fonctions métaboliques ou une meilleure résilience face au stress. Ces pistes ouvrent des perspectives intéressantes sur les impacts méconnus de la maternité sur la longévité et le bien-être global, qui mériteraient d’être explorées davantage.
Vous pouvez consulter l’étude complète ici.