Étonnement, les orages tropicaux peuvent se renforcer en arrivant sur des sols anormalement secs

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Crédits : Pexels.

Les orages qui marquent la météorologie de la zone sahélienne durant la mousson d’été présentent un comportement assez contre-intuitif. En effet, ils tendent à s’intensifier en circulant au-dessus de sols anormalement secs. Une caractéristique mise en évidence dans une étude parue ce 17 août dans la revue PNAS.

Dans les tropiques, une très large part de l’apport en eau est le fait de grands systèmes orageux s’étirant sur plusieurs centaines de kilomètres de long. On parle de systèmes convectifs de méso-échelleMCS pour l’acronyme anglais. Les animations satellitaires révèlent quotidiennement leur présence, avec un déplacement caractéristique d’est en ouest sur parfois plus de 1000 kilomètres. Le continent africain est tout particulièrement concerné à cause de sa géographie. Néanmoins, l’Asie, l’Australie et les Amériques sont également sous l’influence de ce régime climatique.

Quand les orages ont une préférence pour les sols secs

Les scientifiques savent depuis longtemps que le degré d’humidité des sols détermine en grande partie les zones de genèse des MCS tropicaux. L’initiation des nuages orageux se faisant de préférence là où le sol est sec. Toutefois, peu de travaux ont étudié l’influence de ce paramètre sur les systèmes déjà formés et en mouvement. Aussi, un groupe de chercheurs de l’UKCEH (UK Centre for Ecology & Hydrology) s’est penché sur la question.

Pourcentage des précipitations annuelles apporté par les MCS. Les données couvrent la période de décembre 1997 à septembre 2014. Crédits : Russ S. Schumacher & al. 2020.

Pour ce faire, les auteurs ont analysé les images satellitaires de l’activité orageuse et de la température du sol dans la région sahélienne entre 2006 et 2010. En effet, le secteur présente un important écart nord/sud en termes d’humidité des sols. De plus, le nombre de systèmes convectifs de méso-échelle est très élevé lors du pic de la mousson d’été. En tout, ce sont plusieurs milliers d’amas orageux qui ont été pris en compte. Et les résultats obtenus sont signifiants. En particulier, ils montrent que l’intensité et la direction des MCS sont aussi affectées par le degré d’humidité du sol.

« Il est bien connu que la chaleur fournit une grande énergie aux orages, mais on pensait qu’une fois qu’ils se déplaçaient, ils n’étaient généralement plus affectés par l’état du sol sur lequel ils avançaient » note Cornelia Klein, auteure principale de l’étude. « Cependant, nous avons constaté que les sols plus secs augmentaient l’intensité d’un MCS, affectant la quantité de pluie qu’ils libèrent et également l’endroit vers où ils se déplacent. À l’inverse, nous avons constaté que les orages étaient souvent affaiblies au-dessus des sols plus humides ».

Un flux d’évaporation moindre, mais…

Plus précisément, les chercheurs ont noté que les systèmes se renforçaient lorsqu’ils traversaient des surfaces sèches supérieures à 200 kilomètres de diamètre. Ces observations sont contre-intuitives puisqu’a priori, l’alimentation humide nécessaire au maintien des orages devrait s’affaiblir au-dessus de surfaces asséchées. En réalité, cet effet existe mais est plus que compensé par une augmentation de l’instabilité et du cisaillement du vent. Deux ingrédients favorables à l’émergence et au maintien des MCS.

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Orage en milieu sec. Crédits : Pxhere.

Et pour cause, une surface sèche se réchauffe plus vite en cours de journée ce qui facilite les écarts de température entre le sol et l’altitude – et donc l’instabilité thermique. Par ailleurs, le réchauffement plus rapide du côté sec accentue le contraste thermique régional ce qui modifie le schéma des vents et des zones de convergence. Or, ces dernières tendent à convertir l’instabilité accumulée sous forme d’orages.

En résumé, la hausse des gradients thermiques verticaux et horizontaux compense la moindre évaporation caractéristique des sols secs. Enfin, notons que les processus identifiés ne sont pertinents qu’à proximité des régimes de mousson. En effet, ils nécessitent la présence d’une dynamique atmosphérique particulière et de forts gradients dans l’humidité des sols – retrouvés très nettement dans ce type de régime.

Une meilleure anticipation du déplacement des MCS

« Notre découverte signifie que, pour la première fois, nous pouvons prédire, à partir des conditions de surface observées par satellite, comment ces tempêtes ouest-africaines extrêmement importantes peuvent se comporter lorsque, par exemple, elles s’approchent d’une ville » détaille Cornelia Klein. « Un système d’alerte plus efficace permettra aux populations locales de prendre des mesures pour se protéger ainsi que leurs maisons, leur bétail et leurs biens, et de planifier des interventions d’urgence ».

« Le mouvement de ces méga-orages est censé être difficile à prévoir mais nous avons trouvé un niveau surprenant de prévisibilité. Les sols très secs ont influencé environ la moitié des tempêtes en fin d’après-midi ou en début de soirée, lorsqu’elles sont à leur apogée » ajoute Chris Taylor, co-auteur du papier. « Des recherches supplémentaires et des progrès dans la technologie des satellites augmenteront nos certitudes sur leur mouvement ».

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