Éthique : peut-on manger de la viande animale « exotique » cultivée en laboratoire ?

tigre
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Les questions éthiques entourant la viande animale intègrent inévitablement la notion de souffrance. Néanmoins, avec la viande cultivée en laboratoire ou in vitro, la Science est en passe de soustraire cette même notion. Par ailleurs, il est également possible que nos assiettes contiennent un jour de la viande d’animaux « exotiques » (dont l’humain lui-même) cultivée en laboratoire. 

De nombreuses possibilités

Depuis quelques années, la viande in vitro ou « cultivée » en laboratoire a le vent en poupe, qu’il s’agisse de substituts végétaux ou de viande animale artificielle. Dans ce cas, la souffrance animale semble pouvoir être rayée de la liste des notions éthiques allant à l’encontre de cette manière de consommer. Rappelons aussi que ceci peut potentiellement réduire les dégâts environnementaux en lien avec l’élevage intensif. En décembre 2020, Singapour est devenu le premier pays à autoriser le commerce de viande artificielle à partir de cellules animales. Il s’agit de viande artificielle de poulet élaborée par la start-up étasunienne Eat Just. Manger des animaux sans les tuer et sans les avoir élevés dans des conditions de vie désastreuses est donc aujourd’hui possible.

De plus, nous aurons dans nos assiettes de la viande artificielle de gorille, de tigre ou de baleine, des espèces aujourd’hui protégées. L’argument de l’absence d’abattage, et donc de souffrance, semble peser très lourd dans la balance pouvant faire tomber les barrières éthiques.

viande poulet
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Pas de souffrance = éthique ?

Dans son ouvrage La Libération animale (1975), le philosophe australien Peter Singer clamait son opposition à la consommation de viande. En effet, cela implique de faire souffrir les animaux qui ressentent la douleur et le plaisir, ce qui leur confère une importance morale. En partant de ce constat, Peter Singer estimait que les animaux méritaient une considération égale à celle des humains. Le cas échéant, les hommes se rendraient alors coupables de spécisme, une forme de discrimination en fonction de l’espèce. Au cœur du raisonnement du philosophe se trouve une notion très simple : causer de la souffrance est mal, peu importe l’espèce.

S’il est mal de consommer un autre être vivant après l’avoir tué, qu’en est-il de la viande cultivée en laboratoire ? En l’absence de souffrance, cette pratique serait-elle éthique ? En toute logique, consommer de la viande artificielle de n’importe quelle espèce ne poserait plus aucun problème, qu’il s’agisse d’espèces habituellement destinées à l’élevage, d’espèces sauvages protégées et/ou menacées ou encore d’espèces que l’humain considère comme des animaux de compagnie.

Quid de la viande d’origine humaine ?

Toujours en considérant l’absence de spécisme, cette même logique voudrait alors que la consommation de viande artificielle humaine ne pose pas plus de problèmes. Or, le projet The Ouroboros Steak a justement pour but de produire de la viande à partir de cellules humaines. Certains estiment cependant qu’il s’agit ici d’une forme de cannibalisme, une pratique taboue dans la plupart des cultures.

Alors que les projets de viande artificielle animale (et humaine) se multiplient et progressent, les questions éthiques sont inévitablement présentes. Or, comme c’est le cas pour énormément de sujets sensibles, il y a les pour et les contre. Néanmoins, le simple fait de soustraire la souffrance d’un être vivant peu importe l’espèce constituera-t-il un argument suffisant pour permettre une réelle démocratisation de la consommation de ce type de produits ? Seul l’avenir nous le dira.