Et si cette méthode éprouvée de traitement du cancer était finalement… contre-productive ?

Pendant des décennies, l’ablation des ganglions lymphatiques a été considérée comme une étape essentielle pour limiter la propagation du cancer et guider les traitements post-opératoires. Mais de nouvelles recherches suggèrent que cette pratique pourrait affaiblir la réponse immunitaire du patient, remettant en question certaines habitudes chirurgicales bien établies.

Les ganglions lymphatiques : plus que de simples filtres

Traditionnellement, les ganglions lymphatiques sont retirés pour deux raisons : détecter la propagation des cellules cancéreuses et réduire le risque de métastases. Les cellules tumorales utilisent les vaisseaux lymphatiques pour migrer vers d’autres parties du corps, et les ganglions agissent comme des filtres biologiques. Leur analyse permet aux médecins de « stadifier » la maladie et de décider d’un traitement plus agressif si nécessaire.

Cependant, de nouvelles études montrent que les ganglions lymphatiques ne sont pas de simples relais passifs. Ils servent de centres d’entraînement pour les lymphocytes T CD8, des cellules immunitaires capables de détecter et détruire les cellules cancéreuses. Ces découvertes révèlent que l’ablation de ganglions peut réduire la capacité du système immunitaire à monter une réponse efficace, en particulier lors de traitements modernes comme l’immunothérapie.

Des recherches en laboratoire ont montré que certains ganglions sont essentiels pour maintenir ces cellules prêtes à agir. Supprimer trop de ganglions peut donc avoir un effet contre-intuitif : tout en retirant les cellules cancéreuses, on prive le corps de centres où se développe sa défense naturelle.

Une pratique remise en question

Ces résultats soulignent un paradoxe : la chirurgie visant à prévenir la propagation du cancer peut, dans certains cas, affaiblir les défenses immunitaires à long terme. L’ablation systématique de nombreux ganglions lymphatiques, bien que salvatrice dans certains contextes, pourrait limiter la capacité du corps à lutter contre une récidive.

Pour le moment, la plupart des observations ont été réalisées en laboratoire, mais elles concordent avec l’expérience clinique : les patients présentant un lymphoedème ou une ablation extensive peuvent voir leur récupération immunitaire plus lente. Les chercheurs commencent donc à repenser la manière dont les ganglions sont retirés, en adoptant une approche plus ciblée et stratégique.

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Crédit : Jacob Wackerhausen/istock

Vers une chirurgie plus personnalisée

La biopsie du ganglion sentinelle illustre déjà cette évolution. Plutôt que de retirer tous les ganglions d’une zone, les chirurgiens prélèvent uniquement le premier ganglion drainant la tumeur. Cela permet d’évaluer la propagation du cancer tout en préservant la majorité du réseau lymphatique, maintenant ainsi la capacité immunitaire.

Les recherches actuelles vont plus loin : certaines équipes cherchent à cartographier l’activité des ganglions, pour identifier lesquels sont cruciaux pour la réponse immunitaire et lesquels sont les plus susceptibles d’abriter des cellules cancéreuses. À terme, chaque chirurgie pourrait être adaptée au patient, maximisant l’efficacité contre la tumeur tout en préservant le système immunitaire.

En parallèle, les nouvelles thérapies – immunothérapie, traitements ciblés ou vaccins anticancer – peuvent aider à compenser la perte partielle de ganglions, rééduquant le système immunitaire et améliorant la réponse contre les cellules tumorales restantes.

Quelles implications pour l’avenir ?

Ces découvertes ouvrent la voie à une oncologie véritablement personnalisée. Plutôt que de retirer systématiquement tous les ganglions, les chirurgiens pourraient combiner une approche ciblée avec des traitements pharmacologiques pour renforcer la réponse immunitaire. Cette stratégie pourrait réduire les complications, limiter le lymphoedème et améliorer les chances de survie à long terme.

L’ablation des ganglions lymphatiques reste indispensable dans de nombreux cas, mais ces nouvelles données montrent qu’il est crucial de peser le bénéfice immédiat contre l’impact sur la défense naturelle du corps. La chirurgie pourrait ainsi devenir non seulement un outil de traitement, mais aussi un moyen de préserver les capacités immunitaires, un aspect longtemps négligé.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.