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Une étude prédit combien de personnes mourront du changement climatique d’ici 2099 en Europe (et c’est terrifiant)

Le changement climatique modifie rapidement le paysage sanitaire en Europe et la chaleur extrême s’impose comme une menace croissante. Une nouvelle étude a notamment estimé le nombre de décès supplémentaires qui pourraient survenir dans 854 villes européennes d’ici 2099 si des mesures urgentes ne sont pas prises pour réduire les émissions de carbone. Or, ces résultats montrent un taux de mortalité alarmant et indiquent que la hausse des températures laissera le bassin méditerranéen, l’Europe centrale et les Balkans particulièrement vulnérables face à la chaleur.

Une étude sur l’impact du changement climatique en Europe

Une étude de modélisation a été menée par des chercheurs du laboratoire EHM de la London School of Hygiene & Tropical Medicine (LSHTM) et publiée dans Nature Medicine. Pour cette recherche, l’équipe a analysé des données sur la température et la mortalité afin de prédire les futurs décès liés aux températures dans 854 villes de trente pays européens (ce qui représente 40 % de la population européenne), le tout entre 2015 et 2099. Pour chaque ville, les chercheurs ont établi un nombre net de décès causés par la chaleur auquel sont soustraits ceux évités grâce à la diminution du froid.

« Cette étude fournit des preuves convaincantes que la forte augmentation des décès liés à la chaleur dépassera largement toute baisse des décès dus au froid, entraînant une augmentation nette de la mortalité en Europe », explique le professeur Antonio Gasparrini, l’un des auteurs principaux de l’article et directeur du laboratoire EHM à la LSHTM. Il ajoute que « ces résultats réfutent les théories selon lesquelles le changement climatique aurait des effets « bénéfiques », souvent avancées pour s’opposer aux politiques de réduction des émissions qui doivent être mises en place de toute urgence. »

Dans un scénario d’émissions élevées de gaz à effet de serre (où les émissions de CO₂ doublent d’ici 2100) et sans adaptation, l’étude prévoit finalement un total de 5 825 746 décès excédentaires en Europe dus à la chaleur. Cependant, 3 480 336 décès liés au froid seront évités, ce qui donne un bilan global net de 2 345 410 décès supplémentaires d’ici 2099.

Décès liés aux températures : certaines villes en Europe sont plus à risque que d’autres

Selon des estimations précédentes, pour chaque décès lié à la chaleur, il y avait environ dix décès liés au froid en Europe. Toutefois, cette étude se base sur des données plus récentes et donc plus réalistes qui prennent en compte les changements drastiques et rapides observés ces dernières années. Selon cette nouvelle recherche, le bassin méditerranéen, l’Europe centrale et les Balkans devraient ainsi subir les conséquences les plus graves avec des vagues de chaleur extrêmes toujours plus fréquentes et meurtrières.

Des disparités fortes entre les territoires et les décès liés au froid ou à la chaleur

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Crédits : London School of Hygiene & Tropical Medicine

Selon l’étude, Barcelone connaîtrait la plus forte mortalité due aux températures d’ici la fin du siècle avec 246 082 décès projetés. Suivent ensuite deux villes italiennes : Rome avec 147 738 décès et Naples avec 147 248 décès. En quatrième position, on trouve Madrid (129 716 décès), suivie d’une autre ville italienne, Milan (110 131 décès). Athènes arrive ensuite avec 87 523 décès, suivie de Valence (67 519), Marseille (51 306), Bucarest (47 468) et Gênes (36 338), complétant ainsi le classement des dix villes les plus touchées.

En raison de leur forte population, les villes méditerranéennes les plus peuplées enregistreront le plus grand nombre de décès liés à la chaleur, d’où ces résultats. Toutefois, de nombreuses petites villes de Malte, d’Espagne et d’Italie seront également sévèrement affectées. Ailleurs en Europe, les impacts seront moins marqués. D’autres capitales, comme Paris, devraient voir une augmentation notable, mais moins extrême des décès liés au froid et à la chaleur.

Plus au nord, au Royaume-Uni et en Scandinavie, l’étude suggère une diminution nette des décès liés aux températures. À Londres, le nombre de décès liés au climat pourrait par exemple diminuer de 27 455 d’ici la fin du siècle. Toutefois, les chercheurs soulignent que cette baisse est largement compensée par les hausses enregistrées ailleurs en Europe, d’où l’excédent de 2,3 millions de décès supplémentaires liés aux températures à l’échelle du continent.

D’autres problèmes liés aux températures et non pris en compte par ces recherches visent aussi l’Europe

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L’Europe se réchauffe également plus vite que tout autre continent sur Terre. Les données climatiques actuelles montrent en effet que les températures augmentent à un rythme deux fois plus rapide que la moyenne mondiale. Et si les estimations réalisées par l’équipe sont déjà alarmantes, elles pourraient être très en deçà de la réalité.

« Les décès liés à la chaleur ne sont qu’un indicateur des impacts sanitaires de la montée des températures. La chaleur extrême tue, mais elle provoque aussi un large éventail de graves problèmes de santé », explique la Dre Madeleine Thomson, responsable des impacts climatiques et de l’adaptation à la fondation Wellcome (non participante à l’étude). « Elle a été associée à un risque accru de maladies cardiovasculaires, de fausses couches et de troubles mentaux. » Elle ajoute également que nous ne sommes pas suffisamment préparés aux conséquences sanitaires que cela entraînera.

Les experts avertissent en outre que la présente étude n’inclut pas les effets des catastrophes météorologiques liées au changement climatique, comme les feux de forêt et les tempêtes tropicales, ce qui signifie que le bilan réel sera encore plus élevé.

Les villes européennes peuvent-elles s’adapter à la montée des températures ?

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Les chercheurs insistent sur le fait que 70 % de ces décès pourraient être évités si des actions rapides étaient mises en œuvre. Les villes et les villages doivent notamment s’adapter rapidement pour faire face à l’augmentation des températures. Des changements tels que l’ajout d’espaces verts ou de cours d’eau peuvent par exemple aider à rafraîchir les environnements urbains où la chaleur est piégée par les bâtiments et les surfaces en asphalte ou en béton (on parle ici d’îlots de chaleur urbains).

Cependant, l’adaptation seule ne suffira pas. L’étude suggère que même des efforts considérables pour adapter les villes aux nouvelles températures ne seront en effet pas suffisants pour compenser les risques sanitaires accrus liés à la chaleur, surtout dans les zones les plus vulnérables identifiées par ces travaux.

Selon l’étude, disponible ici, il faudra ainsi surtout compter sur des réductions rapides et significatives des émissions de carbone pour pouvoir espérer une baisse du nombre de décès dus à la chaleur extrême. « Nos résultats soulignent l’urgence de mener des politiques d’atténuation du changement climatique tout en mettant en place des mesures d’adaptation à l’augmentation des températures », insiste le Dr Pierre Masselot, l’un des auteurs principaux de l’étude au laboratoire EHM de la LSHTM. « C’est particulièrement crucial pour la région méditerranéenne où, si rien n’est fait, les conséquences pourraient être désastreuses. »

Julie Durand

Rédigé par Julie Durand

Autrefois enseignante, j'aime toujours autant partager mes connaissances et mes passions avec les autres. Je suis notamment passionnée par la nature et les technologies, mais aussi intriguée par les mystères nichés dans notre Univers. Ce sont donc des thèmes que j'ai plaisir à explorer sur Sciencepost à travers les articles que je rédige, mais aussi ceux que je corrige.