Avec une colonisation timide du lac Léman en 2015, la moule quagga ne cesse aujourd’hui de proliférer, envahissant les plans d’eau alpins et bouleversant leurs écosystèmes. Que peut donc bien traduire cette fulgurante expansion ?
La moule quagga, un coquillage d’eau douce originaire d’Ukraine
La moule quagga (Dreissena bugensis) est une espèce de moule d’eau douce appartenant au genre Dreissena et originaire du bassin du Dniepr, en Ukraine. Très proche de la moule zébrée, la moule quagga est capable de coloniser la totalité des substrats disponibles à échelle locale. À titre d’exemple, une seule moule de l’espèce peut filtrer jusqu’à un litre d’eau par jour, modifiant significativement son milieu ambiant.
Du fait de son impact écologique significatif, la moule quagga fait l’objet, dans certains pays (et notamment aux États-Unis), d’une surveillance accrue de la part des autorités, qui alertent et sensibilisent les propriétaires d’embarcations quant aux mesures à prendre pour freiner sa propagation.
Morphologie
Bien que ses dimensions varient d’un individu à l’autre, la moule quagga mesure environ vingt millimètres de large pour quatre centimètres de long. La couleur de sa coquille varie elle aussi (du crème au noir), parfois striée de bandes blanches ou de motifs en zigzag, à l’image de son ancêtre, la moule zébrée.
Une méthode d’alimentation par filtration
Parfois qualifiée « d’espèce ingénieur », la moule quagga est un organisme filtreur qui aspire l’eau ambiante dans sa cavité intérieure pour en extraire toutes les particules alimentaires. Chaque moule adulte est ainsi capable de filtrer un ou plusieurs litres d’eau par jour, d’où sont éliminés une grande partie du phytoplancton.
Une colonisation rapide des lacs alpins
Malgré sa discrétion, la moule quagga ne manque pas de faire sensation. Ce coquillage exotique originaire d’Ukraine pourrait présenter des impacts non négligeables sur la faune et la flore lacustre, dont le déclin du phytoplancton, déjà affaibli par la baisse de la teneur en phosphore des lacs alpins.
Selon plusieurs modélisations scientifiques réalisées par des chercheurs allemands, la masse de moules quagga présente dans les lacs européens (Bienne, Constance, Léman, etc.) pourrait à l’avenir être multipliée par neuf, voire par vingt, et ce en une trentaine d’années seulement.
La moule quagga, une espèce considérée comme invasive
Polymorphe et prolifique, la moule quagga est dotée d’une grande capacité d’adaptation et d’expansion. Contrairement à de nombreux autres organismes aquatiques, les activités humaines ne dérangent pas le mollusque le moins du monde : la présence de canaux artificiels mettant lacs et systèmes fluviaux en communication directe serait d’ailleurs l’un des facteurs majeurs qui pourrait expliquer sa propagation rapide. Tout comme la pêche et la navigation de plaisance, favorisant le transport des propagules (organes pluricellulaires assurant la multiplication de la moule) d’un lac à l’autre.
Si les moules quaggas sont capables de transformer des écosystèmes lacustres entiers, voire d’en modifier la chaîne alimentaire, elles peuvent toutefois accumuler très efficacement certains polluants métalliques et organiques. Ainsi, certains chercheurs auraient retrouvé dans leurs tissus, des substances chimiques dont les niveaux dépassaient plus de 300 000 fois leur concentration moyenne.