On mangeait des escargots géants il y a 170 000 ans

escargots géants
Crédits : Victoria_Watercolor/Pixabay

Il vous arrive parfois de manger des escargots pendant les fĂŞtes ? Vous n’ĂŞtes pas seul. Il y a plusieurs dizaines de milliers d’annĂ©es, nos ancĂŞtres les cuisinaient Ă©galement. Une Ă©quipe d’anthropologues annonce en effet avoir identifiĂ© des restes de coquilles de spĂ©cimens gĂ©ants dans une cĂ©lèbre grotte sud-africaine. Certains de ces animaux pourraient mĂŞme avoir Ă©tĂ© consommĂ©s il y a plus de 170 000 ans. Les dĂ©tails de l’Ă©tude sont publiĂ©s dans la revue Quaternary Science Reviews.

Quand, comment et pourquoi les mollusques terrestres sont devenus un Ă©lĂ©ment constitutif du rĂ©gime alimentaire de nos ancĂŞtres sont des questions encore dĂ©battues chez les spĂ©cialistes. Il y a deux raisons principales Ă  cela. D’une part, si les animaux invertĂ©brĂ©s reprĂ©sentent plus de 95 % de la biodiversitĂ© terrestre, ils sont souvent peu Ă©tudiĂ©s dans les assemblages archĂ©ologiques, car considĂ©rĂ©s comme marginaux pour la comprĂ©hension du comportement humain passĂ©. D’autre part, la plupart d’entre eux sont petits et ont peu de chances de survivre dans les archives archĂ©ologiques. Cependant, les escargots font parfois figure d’exception en raison de leur coquille.

Des recherches ont montrĂ© que la consommation d’escargots apparaĂ®t dans des sites de fouilles datant d’environ 30 000 ans en Europe et d’environ 40 000 ans en Afrique. Une Ă©tude rĂ©cente suggère que cette consommation serait en rĂ©alitĂ© beaucoup plus ancienne.

Des traces d’escargots il y a 70 000 Ă  170 000 ans

La Border Cave est un site archĂ©ologique situĂ© Ă  la frontière entre l’Afrique du Sud et le Swaziland. DĂ©couvert en 1940, il est considĂ©rĂ© comme l’un des plus importants pour l’Ă©tude de l’Ă©volution humaine en Afrique australe. Les fouilles archĂ©ologiques menĂ©es sur place ont en effet rĂ©vĂ©lĂ© des preuves de prĂ©sence humaine Ă  plus de 200 000 ans, d’Homo heidelbergensis jusqu’Ă  Homo sapiens.

Outre les restes humains, Border Cave a Ă©galement livrĂ© des outils en pierre, des os d’animaux et des fragments de poterie qui ont Ă©tĂ© utilisĂ©s pour reconstituer les habitudes alimentaires et les modes de vie des anciens habitants du site. Les fouilles ont Ă©galement permis de dĂ©couvrir des plantes mĂ©dicinales et d’autres plantes utilisĂ©es pour la teinture, rĂ©vĂ©lant des connaissances avancĂ©es en matière de botanique chez ces populations anciennes.

Le fait que le site soit rĂ©gulièrement fouillĂ© depuis les 1930 n’empĂŞche pas les nouvelles dĂ©couvertes. RĂ©cemment, entre 2015 et 2019, une Ă©quipe de l’UniversitĂ© de Witwatersrand, Ă  Johannesburg, a en effet isolĂ© des fragments de coquilles d’escargots terrestres de la famille Achatinidae, dont certains spĂ©cimens peuvent atteindre environ seize centimètres de long. Les morceaux de coquille sont apparus dans de multiples couches de sĂ©diments datant d’il y a 70 000 Ă  170 000 ans.

escargots géants
Escargot africain géant. Crédits : Eric Guinther

Des coquilles brûlées

Les couleurs et textures sur les coquilles laissaient Ă  penser qu’elles avaient Ă©tĂ© chauffĂ©es. Pour tester leur hypothèse, les chercheurs ont collectĂ© des coquilles d’escargots modernes et les ont brisĂ©es en fragments. Ces derniers, de tailles et de couleurs diffĂ©rentes, ont ensuite Ă©tĂ© chauffĂ©s pendant des pĂ©riodes de temps comprises entre cinq minutes et trente-six heures.

Sans surprise, l’exposition Ă  des tempĂ©ratures plus Ă©levĂ©es et des pĂ©riodes de chauffage plus longues ont transformĂ© des fragments auparavant blancs en une teinte encore plus blanche, tandis que des Ă©chantillons beiges et bruns sont devenus blancs et gris. Le processus de chauffage a Ă©galement supprimĂ© l’aspect brillant des coquilles, car la matière organique responsable de cet Ă©clat avait Ă©tĂ© brĂ»lĂ©e. Enfin, les fragments prĂ©sentaient des signes de microfissures. Or, tous ces motifs Ă©taient aussi prĂ©sents sur les coquilles prĂ©historiques trouvĂ©es sur le site.

Bien sĂ»r, les escargots terrestres peuvent apparaĂ®tre sur les sites de fouilles parce qu’ils sont naturellement prĂ©sents dans la rĂ©gion oĂą ils s’enfouissent dans le sol pour Ă©viter la dĂ©shydratation. Cependant, bien que la possibilitĂ© que ces coquilles soient apparues dans cette grotte suite Ă  ce comportement naturel avant d’ĂŞtre accidentellement chauffĂ©es par un incendie, l’action humaine semble ĂŞtre la cause la plus probable. Selon les auteurs de l’Ă©tude, cette idĂ©e est Ă©galement renforcĂ©e par les restes d’autres aliments potentiels, tels que des graines et des os, qui ont Ă©tĂ© trouvĂ©s Ă  proximitĂ©.

A priori, il en ressort ainsi que nos ancĂŞtres se nourrissaient d’Ă©normes escargots il y a plus de 100 000 ans. Ce ne serait pas surprenant. Les mollusques terrestres sont une excellente source de nutriments. Ils sont Ă©galement faciles Ă  rĂ©colter, peuvent ĂŞtre conservĂ©s un certain temps avant d’ĂŞtre consommĂ©s et sont simples Ă  prĂ©parer et Ă  digĂ©rer Ă  condition d’avoir une base maĂ®trise du feu, ce qui Ă©tait dĂ©jĂ  le cas Ă  l’Ă©poque.