Ces envahisseurs qui menacent la savane africaine

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Décorant les loges touristiques, certaines plantes envahissantes menacent aujourd’hui la biodiversité de la savane est-africaine selon une étude qui appelle les autorités à agir le plus rapidement possible.

Initialement plantées pour la décoration dans les loges touristiques dans la réserve nationale de Masaï-Mara, au Kenya, des espèces exotiques envahissantes se propagent et déplacent la végétation naturelle de la savane, menaçant de perturber l’un des phénomènes les plus impressionnants et fascinants du monde : la migration annuelle de plus de 2 millions d’animaux dans les savanes de l’Afrique de l’Est.

« Les invasions rampantes dans l’écosystème du Serengeti-Mara réduiront certainement la production fourragère, ce qui entraînera des baisses drastiques dans les populations de gnous, de zèbres et d’autres grands mammifères de pâturage », explique Arne Witt, du CABI Africa à Nairobi, au Kenya, une organisation à but non lucratif qui œuvre depuis 1995 pour venir en aide aux personnes vivant dans les zones rurales. « Ces plantes envahissantes sont toxiques ou désagréables, ce qui signifie qu’il y a moins de fourrage disponible pour la vie sauvage pour se nourrir ».

Selon une étude, six espèces constituent la menace la plus grave pour les animaux migrateurs. L’un de ces envahisseurs, Parthenium hysterophorus, aurait déjà déplacé 90 % de la nourriture dans les champs pour le bétail. Les sources de nourriture des animaux déjà frappées par la sécheresse et l’épuisement de la rivière Mara, pourraient donc s’amenuiser si les plantes continuent à se propager. L’enquête montre que les espèces s’infiltrent déjà dans les zones de prairies, créant des bosquets infranchissables de végétation non comestible où il n’y avait autrefois que de l’herbe.

L’herbe du diable (Chromolaena odorata), un arbuste brouillant d’Amérique centrale et du Sud envahit également de manière agressive les écosystèmes de la savane. Selon l’étude, l’arbuste aurait d’ores et déjà réduit les chances de survie des crocodiles du Nil en Afrique du Sud et des gorilles des plaines au Cameroun. D’autres plantes envahissantes peuvent également nuire directement aux animaux si elles sont consommées. Les épines de la poire épineuse érigée (Opuntia stricta) importée des Amériques peuvent en effet se loger dans les gencives, les langues et les tripes d’animaux de pâturage, entraînant des infections bactériennes potentiellement mortelles. Le cactus forme également des bosquets denses qui entravent la mobilité des animaux.

Tout n’est pas perdu cependant si des actions sont prises assez rapidement pour freiner ces invasions pendant qu’elles sont encore gérables si l’on en croit les chercheurs. Il faudra pourtant faire vite. « Nous nous attendons à un taux exponentiel d’augmentation de la distribution et de l’abondance des espèces envahissantes, à moins qu’une action soit prise maintenant », expliquent-ils. Pour ce faire, les chercheurs recommandent trois solutions principales. La première consiste à purger toutes les loges touristiques des plantes envahissantes le plus tôt possible. Deuxièmement, ils invitent les autorités à se débarrasser des infestations légères œuvrant déjà dans la nature. Enfin, ils proposent des solutions de contrôle biologique et notamment d’explorer le potentiel des coléoptères et d’autres animaux qui s’attaquent directement à ces envahisseurs.

« Certaines de ces espèces sont des récidivistes en série et ont des antécédents de dégâts écologiques dans le monde entier », expliquent les chercheurs. « Dans le contexte constant de la sécheresse causée par le changement climatique, le braconnage, la privation de droits et la construction des routes, c’est une autre menace de plus la biodiversité africaine ».

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