Une énigme paléoclimatique impliquant le béryllium a enfin été résolue

Himalaya
Crédits : pxfuel.

Un groupe de chercheurs a récemment fait la lumière sur une énigme paléoclimatique qui persistait depuis maintenant plusieurs décennies. Les résultats ont été publiés dans la revue scientifique PNAS le 19 octobre.

Depuis quarante millions d’années environ, le contenu de l’air en dioxyde de carbone (CO2) diminue de façon régulière. En effet, celui-ci est passé d’une concentration de plus de 1000 ppm (parties par million) durant l’Éocène à une concentration oscillant entre 180 ppm et 280 ppm au Quaternaire. La baisse du taux de CO2 dans l’air a induit un refroidissement climatique de long terme sur cette période.

Une capture de CO2 accélérée par l’altération des roches

Les chercheurs s’accordent à dire que la baisse lente, mais inexorable du CO2 depuis douze millions d’années est due à l’augmentation du taux d’érosion et d’altération des roches suite à la formation des vastes chaînes de montagnes que sont l’Himalaya et, dans une moindre mesure, les Andes ou, dit autrement, à l’apparition de deux gigantesques pompes à CO2.

Et pour cause, lorsque l’eau de pluie s’abat sur ces massifs, l’acide carbonique qu’elle contient réagit avec les minéraux silicatés contenus dans les roches. Après dissolution, cette matière est transportée par les rivières vers l’océan où elle sera transformée en carbonates par les organismes vivants et éventuellement enfouie dans les sédiments marins. Le bilan de ce processus est un transfert net de carbone depuis l’atmosphère vers la croûte terrestre.

béryllium
La chaîne de montagnes de l’Himalaya. Crédits : Pixabay

Les données paléoclimatiques appuient largement l’hypothèse. Les études isotopiques basées sur le strontium, le lithium ou l’osmium confirment par exemple la hausse du taux d’altération continentale. Toutefois, un point posait jusqu’à présent problème. Il s’agit des données obtenues sur les isotopes du béryllium, un métal alcalino-terreux.

Si la théorie évoquée plus haut est correcte, les scientifiques s’attendent à voir une hausse du rapport béryllium-9/béryllium-10 dans les océans de l’époque. En effet, comme les roches contiennent exclusivement du béryllium-9, leur altération devrait en enrichir les mers. Pourtant, les données paléoclimatiques montrent que ce rapport n’a pas augmenté, ce qui suggère que le taux d’altération est lui-même resté stable. Comment réconcilier ces différents éléments ?

L’énigme du béryllium enfin résolue

Dans un papier paru il y a quelques jours, des chercheurs ont résolu le problème, mettant ainsi fin à plusieurs décennies de contradictions. En réalité, lorsqu’un excès de béryllium-9 lié à une hausse de l’altération s’échappe par les rivières et arrive près des côtes, il subit des réactions chimiques qui le consomment avant d’avoir pu rejoindre l’océan. Aussi, le rapport isotopique de l’eau est maintenu à une valeur quasi constante tout à fait compatible avec l’hypothèse d’une hausse de l’érosion et de l’altération continentale. En somme, la contradiction n’a plus lieu d’être.

Par ailleurs, l’étude met en avant la nécessité de faire intervenir certains mécanismes qui auraient empêché que la baisse du CO2 ne conduise à un emballement vers le froid. « Ces résultats indiquent le rôle important des processus géologiques qui compensent le retrait du CO2 par l’altération continentale et empêchent un refroidissement incontrôlé, tels qu’une oxydation accrue du carbone organique, l’altération de la pyrite et/ou une altération réduite du basalte », note le papier dans son résumé.