Faire confiance aux robots ou aux adultes ? Pour les enfants, le choix est vite fait

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Crédits : Valerii Apetroaiei/iStock

Biberonnés aux films Terminator et autres monuments dystopiques de la culture, beaucoup d’adultes ont grandi avec un rapport complexe avec la technologie, tantôt intrigués par cet élan effréné vers le progrès qu’elle incarne et tantôt méfiants face aux risques dont elle pourrait être porteuse. Chez les jeunes générations, les avancées technologiques, à l’instar des écrans et des robots, font partie de leur quotidien dès leur plus jeune âge. Aussi, leurs rapports avec ces machines peuvent être très différents. Pour la science, l’étude des interactions entre les enfants et toutes ces percées innovantes (et surtout la manière dont ces dernières peuvent influencer leur développement et leur apprentissage) est donc un domaine d’étude passionnant qui peut révéler certaines surprises.

Une étude rédigée par des chercheurs basés en Suède, en Allemagne et en Australie, et à paraître en août 2024 dans le numéro d’août de la revue scientifique Computers in Human Behavior démontre par exemple que quand ils doivent choisir entre se fier à des humains de confiance ou des robots en termes de connaissances, c’est bien vers ces derniers qu’ils tendent à se tourner. Or, cela pourrait tout changer dans la manière de les éduquer et de mener leur apprentissage.

Une expérience qui opposait les robots et les humains

La prise d’information et le discernement sont deux piliers du développement cognitif. Pour ces travaux, les chercheurs avaient donc pour objectif de vérifier comment les enfants perçoivent des informations en provenance de différentes sources et quel crédit ils leur apportaient. En outre, « l’apprentissage chez l’enfant est ostensiblement basé non seulement sur l’exactitude des informations qu’ils reçoivent, mais aussi sur les signaux sociaux qui entourent leur transmission », précisent les chercheurs. Pour analyser tout cela en relation avec une exposition aux robots, ils ont ici pu compter sur un panel de 111 enfants âgés de 3 à 6 ans.

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Crédits : Wildpixel/iStock

Par groupe, les enfants devaient regarder des vidéos où des agents humains ou robots devaient identifier des objets connus ou inconnus avec plus ou moins de justesse. Par exemple, une brosse pouvait être appelée une assiette. Parfois, les enfants visionnaient un duo composé d’un humain et d’un robot fiables (qui désignaient correctement les objets), un autre composé d’un robot fiable et d’un humain peu fiable ou au contraire un robot pas fiable avec un humain qui l’était. Cela devait ainsi permettre aux chercheurs de comparer les réactions des enfants aux agents qui étaient ou n’étaient pas dignes de confiance.

La sincérité des adultes remise en cause

Les résultats montrent en général une tendance franche à faire plutôt confiance aux robots. Lorsque les deux interlocuteurs étaient fiables, les enfants étaient en effet plus enclins à poser des questions aux robots et accepter leurs questions comme véridiques. Même si la différence était dans ce cas précis moins visible chez les enfants plus âgés, plus confiants envers les humains, cette tendance se vérifiait aussi lorsque le robot donnait de mauvaises réponses contrairement à l’humain.

Un autre point a particulièrement surpris les scientifiques. Les petits semblaient plus indulgents et flexibles avec les robots qui faisaient des erreurs. Ils considéraient en effet ces bévues comme purement accidentelles. Toutefois, dans le cas des adultes, les enfants considéraient ces impairs comme intentionnels. « Ces résultats suggèrent non seulement que les enfants perçoivent les erreurs des robots et des humains différemment, mais aussi que lorsqu’il s’agit d’évaluer les erreurs des robots, la manière dont ils conceptualisent leur fiabilité, leur attrait social et leur pouvoir d’action perçu étaient conceptuellement distincts, et n’avaient ainsi pas nécessairement un impact négatif sur l’interaction », estiment les chercheurs.

Aussi, lorsque les chercheurs leur ont demandé auprès de qui ils aimeraient apprendre et avec qui ils préféreraient partager des secrets, la majorité des enfants a opté pour les robots plutôt que pour les adultes.

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Crédits : Zinkevych/iStock

Comment bien grandir au contact des robots : un concept à creuser

De leur propre aveu, les scientifiques n’excluent pas la possibilité que cette étude comporte un biais important. En effet, il s’agissait ici uniquement d’interactions avec un écran et une vidéo, passablement éloignées donc de celles qui peuvent avoir lieu dans le monde réel. Aussi, d’autres recherches impliquant cette fois des échanges en direct seront donc nécessaires pour refléter plus fidèlement la réalité et tirer des conclusions plus solides sur le phénomène de confiance accordée à la source de l’information.

Les conclusions à tirer pourraient en tout cas influencer fortement l’éducation reçue par les enfants, exposés de plus en plus tôt aux outils technologiques, et ce, aussi bien dans leur salle de classe que dans leur quotidien à la maison. Il pourrait en effet être important pour les acteurs au cœur de cet apprentissage de déterminer s’il vaut mieux attendre avant d’utiliser la technologie dans l’éveil des enfants pour les en préserver ou si elle pourrait au contraire, utilisée à bon escient, s’avérer cruciale pour leur développement dès le plus jeune âge. Au regard de la propension des jeunes enfants à croire aveuglément les informations données par les robots dans le cadre de l’étude se pose en tout cas l’évidence de l’importance de les former à avoir un regard critique sur ces machines, parfois faillibles.

Enfin, outre ces incertitudes sur l’exposition à la technologie chez les plus jeunes, « la question de savoir exactement ce qui chez le robot le rend préférable reste ouverte », concluent les chercheurs.

Vous pouvez consulter l’étude ici.