En France, ce robot humanoïde intelligent prend les risques que les humains ne devraient plus courir dans le nucléaire

Dans les entrailles d’une usine nucléaire française, une machine vient de franchir un cap que l’industrie attendait depuis des décennies. Son nom : Hoxo. Sa particularité : elle ne se contente plus d’exécuter des ordres, elle comprend son environnement et prend des décisions. Bienvenue dans l’ère où l’intelligence artificielle s’invite là où l’humain ne peut plus aller.

Le défi invisible de l’industrie nucléaire

L’industrie nucléaire a toujours été confrontée à un paradoxe cruel : les tâches les plus critiques se déroulent dans des zones où la présence humaine devient dangereuse, voire impossible. Maintenance d’équipements hautement radioactifs, inspections en milieu contaminé, manipulations techniques dans des espaces confinés… autant d’opérations qui exposent les techniciens à des risques considérables, malgré les protections les plus sophistiquées.

Jusqu’à présent, la robotique nucléaire reposait principalement sur des machines téléopérées, nécessitant un contrôle humain permanent. Une approche limitée, tant par la latence des commandes que par la fatigue des opérateurs. C’est précisément ce verrou que Capgemini et Orano viennent de faire sauter avec le déploiement de Hoxo sur le site Melox, dans le Gard.

Une intelligence qui s’adapte en temps réel

Ce qui distingue Hoxo des générations précédentes de robots industriels tient en quelques mots : l’autonomie cognitive. Équipé de systèmes de vision par ordinateur et de capteurs avancés, le robot analyse son environnement en continu et ajuste ses actions sans intervention humaine constante. Il reproduit les gestes d’un opérateur expérimenté, mais avec une précision mécanique et une résistance aux radiations que nul organisme vivant ne pourrait égaler.

Cette prouesse technique repose sur la convergence de plusieurs technologies de rupture. L’intelligence artificielle embarquée permet au robot de prendre des décisions contextuelles. Les jumeaux numériques – des répliques virtuelles des installations – lui offrent une connaissance approfondie de l’environnement avant même d’y pénétrer. Quant aux algorithmes de navigation autonome, ils garantissent des déplacements fluides dans des espaces pensés pour des humains, pas pour des machines.

Pascal Brier, directeur de l’innovation chez Capgemini, qualifie ce projet d’incarnation de « l’IA physique » – cette capacité des systèmes intelligents à interagir directement avec le monde matériel pour résoudre des problèmes complexes. Une vision qui dépasse largement le cadre du nucléaire.

Hoxo
Crédit : Orano

Redéfinir la collaboration homme-machine

Contrairement à ce que pourrait suggérer une lecture hâtive, Hoxo n’a pas vocation à remplacer les opérateurs humains. Son rôle consiste plutôt à les assister dans les tâches les plus pénibles et les plus risquées, libérant ainsi leur expertise pour des missions à plus forte valeur ajoutée. Cette complémentarité représente un changement de paradigme dans la manière dont l’industrie conçoit l’automatisation.

Arnaud Capdepon, directeur du site Melox, y voit une réponse aux défis actuels et futurs du secteur. Alors que de nombreux pays reconsidèrent le nucléaire comme énergie de transition face à l’urgence climatique, la capacité à opérer des installations de manière plus efficace et plus sûre devient un enjeu stratégique majeur.

Au-delà du nucléaire : un modèle transposable

Si Hoxo fait ses premières armes dans l’univers nucléaire, les technologies qui le composent ouvrent des perspectives bien plus larges. Industries chimiques, pétrochimiques, exploration spatiale, intervention en zones sinistrées… tous les secteurs confrontés à des environnements hostiles pourraient bénéficier de cette approche.

La phase de test actuellement en cours sur le site de Melox servira de laboratoire grandeur nature pour évaluer la fiabilité de ces systèmes dans des conditions opérationnelles réelles. Les enseignements tirés de cette expérimentation pourraient bien redéfinir les standards de l’automatisation industrielle pour les décennies à venir.

L’histoire de l’automatisation nucléaire vient peut-être d’entrer dans son chapitre le plus fascinant. Celui où les machines ne se contentent plus d’obéir, mais comprennent, anticipent et collaborent. Une révolution silencieuse, mais dont les répercussions pourraient résonner bien au-delà des murs des centrales.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.