En Arctique, un prédateur inattendu rivalise avec les ours polaires

ours polaire animaux
Crédit : mtanenbaum/Pixabay

Les ours polaires ont longtemps été considérés comme les principaux prédateurs de la péninsule arctique. Cependant, si l’on prend en compte les fonds marins, il semblerait que certaines étoiles de mer puissent également se placer au sommet du réseau trophique local. Les détails de l’étude sont publiés dans la revue Ecology.

Un réseau trophique représente l’ensemble des relations alimentaires entre espèces au sein d’un écosystème. À la base d’un tel réseau, les producteurs primaires (qui tirent leur énergie du soleil ou du recyclage de matières organiques mortes) soutiennent les niveaux trophiques inférieurs, qui transfèrent à leur tour l’énergie jusqu’aux prédateurs supérieurs, et ainsi de suite. Tout en haut se trouvent les super-prédateurs, ou prédateurs apex.

Dans les réseaux trophiques marins, les chercheurs se concentrent souvent sur le compartiment pélagique (en eau libre). Dans le milieu arctique, nous pourrions ainsi démarrer la chaîne à partir des minuscules planctons de surface pour fini jusqu’aux ours polaires (Ursus maritimus). À l’inverse, le compartiment benthique (fond de l’eau) est sous-étudié, car généralement perçu comme constitué uniquement d’une chaîne alimentaire tronquée avec des espèces de niveau trophique inférieur.

En réalité, il s’avère que la composante benthique du réseau trophique de la région arctique a été largement sous-estimée.

Deux sous-réseaux distincts, mais interconnectés

Dans le cadre de ces travaux, des chercheurs de l’Université Laval ont analysé 881 échantillons d’invertébrés benthiques appartenant à 97 taxons et neuf embranchements ainsi que 699 échantillons de faune pélagique (invertébrés, poissons démersaux et pélagiques, oiseaux marins et poissons marins, mammifères) appartenant à 53 espèces de douze groupes taxonomiques dans les eaux marines arctiques autour de l’île Southampton (Nunavut, Canada). Cet environnement est situé à l’embouchure de la baie d’Hudson, dans le territoire canadien du Nunavut.

Après analyses, les chercheurs ont alors découvert que les composants benthiques et pélagiques avaient en réalité chacun un nombre similaire d’étapes, ou de niveaux trophiques, dans leurs chaînes alimentaires respectives.

« C’est un changement dans notre vision du fonctionnement du réseau trophique marin côtier de l’Arctique« , a déclaré Rémi Amiraux, principal auteur de l’étude. « Nous avons prouvé que la faune qui habite l’eau de mer et celle qui habite les sédiments forment deux sous-réseaux distincts, mais interconnectés.« 

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Interactions pélagiques, les flèches brunes illustrent les interactions benthiques et les flèches vertes montrent les interactions entre les chaînes alimentaires pélagiques et benthiques. Crédits : /Université du Manitoba

Les étoiles de mer tout en haut

Il ressort également que les étoiles de mer, en particulier, constituent un élément clé de ce réseau benthique, occupant divers niveaux trophiques. Certaines d’entre elles, appartenant à la famille des Pterasteridae, étaient d’ailleurs systématiquement au sommet de la plupart des chaînes alimentaires individuelles, se nourrissant souvent de prédateurs secondaires tels que des bivalves, des concombres de mer et des éponges. Autrement dit, cela signifie que les étoiles de mer Pterastidae chassent à une échelle équivalente à celle des ours polaires. La seule différence entre les deux est la taille de leurs proies.

Autre point commun : tout comme les ours polaires peuvent se nourrir de baleines mortes si une occasion se présente, leur permettant de tenir plusieurs semaines, ces étoiles de mer se nourrissent également de manière opportuniste d’organismes pélagiques morts qui coulent au fond de la mer, ce qui leur permet de chasser moins souvent.

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Une étoile de mer de la famille des Pterasteridae. Crédits : National Oceanic And Atmospheric Administration (NOAA)

Ces travaux soulignent donc l’importance de prendre en considération l’importance des chaînes alimentaires benthiques. Il est également utile de rappeler que les étoiles de mer de la famille des Pterasteridae évoluent dans quasiment tous les écosystèmes marins. Si ces organismes ont le même comportement dans d’autres environnements, nous pourrions ainsi les considérer comme quelques-uns des prédateurs les plus performants du milieu océanique.