En Arctique, l’eau des rivières charrie de plus en plus de chaleur et accélère la fonte de la banquise

Crédits : NASA Earth Observatory.

Avec le réchauffement climatique, les rivières qui se jettent dans le bassin arctique au printemps charrient de plus en plus d’eau et de chaleur. Un phénomène qui participe à accélérer le recul de la banquise et la hausse des températures au pôle.

Le monde arctique et périarctique est souvent vu comme le point névralgique du système Terre. En effet, les évolutions qui s’opèrent dans cette zone en période de changement climatique sont particulièrement rapides – parfois brutales. Une caractéristique qui marque aussi bien les bouleversements actuels que ceux survenus par le passé.

Le rôle substantiel des rivières pour le climat de l’Arctique

Dans une étude parue le 6 novembre dernier dans la revue Science Advances, des chercheurs ont évalué avec une précision sans précédent le rôle joué par la dynamique fluviale dans le réchauffement et la fonte observés en Arctique. En effet, le débit et la température des cours d’eau ont augmenté au cours des dernières décennies, accompagnant un retrait toujours plus précoce du manteau neigeux sur les continents. Aussi, une quantité croissante de chaleur pénètre par ce biais dans le bassin arctique. Toutefois, jusqu’à présent on connaissait mal les impacts associés à ce phénomène.

Diminution en moyenne annuelle de l’épaisseur de glace (en centimètres) due à la chaleur amenée via les rivières, sur la période 1985-2015. Crédits : Hotaek Park & al. 2020.

Les travaux ont montré que près de 10 % de la fonte de banquise observée entre 1980 et 2015 est attribuable à la chaleur additionnelle apportée via les rivières. Pour donner une idée, cela équivaut à une surface de plus de 300 000 km². « Si l’Alaska était recouverte de glace d’une épaisseur d’1 mètre, 20 % de l’Alaska disparaîtrait » rapporte Igor Polyakov, un des co-auteurs de l’étude. Ce processus est principalement actif au moment de la débâcle printanière et du côté sibérien du bassin.

Une boucle amplificatrice… parmi d’autres

Fait assez surprenant, la majeure partie de la chaleur ne sert pas à fondre directement la glace mais à réchauffer l’océan et surtout l’atmosphère. Autrement dit, l’énergie additionnelle ne se cantonne pas aux embouchures des cours d’eau mais affecte de manière bien plus large l’environnement arctique. Cette diffusion permet d’entretenir des boucles de rétroaction qui font que l’impact des rivières est loin d’être négligeable. En particulier, l’importance de ce dernier s’en trouve multipliée par deux. Plus encore, il deviendra de plus en plus marqué à mesure que le changement climatique se poursuivra.

arctique rétroaction
Représentation schématique de l’impact de la chaleur additionnelle apportée par les rivières. Les sources de chaleur sont en orange et les puits en turquoise. On constate que l’énergie amenée par les cours d’eau sert en partie à réchauffer l’eau de mer et à faire fondre la glace. Mais la majorité va chauffer l’atmosphère. Au final, en permettant à plus d’énergie solaire de pénétrer dans l’océan, se met en place une boucle auto-amplificatrice (flèches en pointillés). Cette dernière double l’effet initial dû à la dynamique fluviale. Crédits : University of Alaska, Fairbanks.

Dans la présente étude, les chercheurs ont précisé un processus imbriqué dans un ensemble plus vaste de mécanismes amplificateurs. Une dimension systémique qu’il convient de garder à l’esprit pour comprendre la rapidité des bouleversements en cours dans le Grand Nord. « C’est très alarmant car tous ces changements s’accélèrent » rappelle Igor Polyakov. « Les changements rapides sont tout simplement incroyables au cours de la dernière décennie ». Les résultats obtenus mettent en avant la nécessité de tenir compte de ce processus jusqu’à présent non représenté dans les modèles climatiques.

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